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que la moitié de la chaleur a passé ; si elle était réduite au tiers, on dirait que le tiers des rayons envoyés a été transmis, et en général le rapport des déviations mesurées dans les deux cas marquera la proportion de chaleur qui a franchi la lame. On trouve, dans le cas du verre, que cette proportion est supérieure à la moitié du rayonnement total.

Cela posé et conservant les mêmes dispositions de l’expérience ainsi que le même verre, Melloni enlève la lampe et la remplace par un vase rempli d’eau bouillante; rien n’est changé que la source calorifique, mais tout est transformé dans le résultat; aucune trace de la nouvelle chaleur ne pénètre le verre.

L’expérience que nous venons de raconter en détail est le type de toutes celles que Melloni a exécutées. Voulant accumuler des résultats très nombreux pour les passer tous en revue dans une discussion minutieuse, il s’est mis à la recherche de substances transparentes diverses prises dans les produits des arts ou dans la nature, diaphanes comme le verre ou obscurcies comme le cristal de roche enfumé ou colorées comme les vitraux. Il les a fait tailler en lames d’épaisseurs égales, et a répété sur chacune d’elles les épreuves auxquelles il avait soumis le verre, puis il a réuni tous les résultats dans un tableau synoptique. Ce sont là, j’en conviens, les expériences d’Herschel, mais plus nombreuses, mais exactes, exécutées avec des substances mieux choisies, et qui vont fournir bientôt des élémens irrécusables à la discussion.

Le premier coup d’œil que l’on jette sur le tableau synoptique tracé par Melloni montre des irrégularités inattendues : des corps bien transparens sont à peine perméables à la chaleur, pendant que des substances noircies que la lumière ne franchit pas se laissent traverser par des chaleurs convenablement choisies. Tous les résultats obtenus avec la lampe à huile se transforment quand on la remplace par la lampe à alcool ou tout autre foyer. Les différences, les complications se multiplient, et aucune loi simple ne se révèle. C’est de ce dédale que Melloni va sortir. Nous ferons porter la discussion sur l’exemple particulier que nous avons décrit, et nous la réduirons à deux points essentiels : l’hétérogénéité des chaleurs émises par les divers foyers calorifiques, et la diversité des actions exercées sur elles par un même corps.

Nous voyons d’abord le verre arrêter la chaleur d’eau chaude et transmettre en partie celle de la lampe à huile, c’est-à-dire exercer dans les deux cas une action inégale, ce qui ne pourrait avoir lieu si les deux chaleurs étaient identiques, ce qui permet de conclure qu’elles ne sont pas les mêmes. Et comme la généralité des expériences a étendu la même propriété à tous les foyers calorifiques, il