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pouvait faire valoir pour la soutenir; il donna ensuite tous ceux qui la combattent, et termina par un dilemme qui remettait la question à l’expérience. Il fit cette expérience, il la fit mal, parce que ses appareils étaient mauvais; elle lui donna un résultat inexact, il conclut inexactement que la chaleur était distincte de la lumière.

Depuis l’année 1800, cette féconde et importante question fut abandonnée. D’autres préoccupations entraînèrent les savans, qui parurent oublier et le sujet et les études dont il avait été l’objet. Aussi voyons-nous peu à peu disparaître la notion de l’hétérogénéité de la chaleur. On étudie sa réflexion, sa diffusion, son absorption, son émission, sans se préoccuper de spécifier l’espèce particulière de chaleur que l’on emploie, et comme si elle n’avait aucune influence sur les résultats : des erreurs s’introduisent, des assertions inexactes sont acceptées, et la question arrive à un déplorable état d’obscurité, de confusion. Si de temps à autre quelques expériences intéressantes se produisent, elles demeurent stériles et ne reçoivent aucune explication.

Vers 1832, le célèbre Ampère, à qui la préoccupation des détails ne cachait point les idées générales, reprit la question qu’Herschel paraissait plutôt avoir abandonnée que résolue. C’est d’un point de vue très-élevé qu’il l’envisagea.

Des deux théories qui avaient essayé d’expliquer la lumière et qui pendant si longtemps avaient séparé les philosophes en deux camps, l’une, celle de Newton, venait d’être mise en contradiction avec les expériences; l’autre, que Descartes avait développée, expliquait et prévoyait toutes les propriétés de la lumière, et se faisait accepter de tous les physiciens. Ampère essaya d’établir sur des principes voisins une théorie de la chaleur.

On sait que la lumière est un mouvement. Ce mouvement prend naissance dans les corps lumineux, se propage à travers l’éther et I vient apporter à l’œil, en ébranlant le nerf optique, l’impression de la lumière. Ces actions sont comparables à celles du son, qui, se (développant dans les vibrations du corps sonore, se propage par l’air, et se perçoit par l’ébranlement de l’oreille. Seulement les vibrations lumineuses se font avec une immense rapidité, celles du son s’exécutent assez lentement pour être comptées; les premières se transmettent par un fluide extrêmement subtil, et les secondes par un corps plus grossier. Une autre analogie rapproche les qualités du son et celles de la lumière : les notes graves proviennent de vibrations lentes, les sons aigus dérivent de mouvemens plus vifs; dans la lumière, la rapidité plus ou moins grande des oscillations entraîne aussi la diversité des couleurs, les plus lentes vibrations donnent le rouge, les plus précipitées produisent le violet, et en général