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objection, dont il sent toute la valeur, Herschel fait appel aux résultats de ses travaux. Il n’y aurait aucun intérêt ni aucun agrément à le suivre dans la discussion de certains cas particuliers. Nous nous bornerons à dire qu’il trouva dans cette discussion des raisons de persister dans sa nouvelle croyance, et nous arriverons à un argument qu’il croit être sans réplique et qui l’est en effet.

Il recueille à la sortie du prisme un faisceau de rayons rouges, il les isole de tous les autres et les étudie spécialement. Comme ils possèdent une réfrangibilité unique, ils contiennent une seule espèce de lumière simple et une seule chaleur élémentaire, c’est-à-dire deux radiations distinctes et superposées, si on attribue les deux propriétés à des causes différentes, et un seul rayon, si la chaleur et la lumière dérivent d’une cause unique. Dans le premier cas on pourra éteindre la radiation calorifique sans toucher à la radiation lumineuse, puisqu’elles sont indépendantes; dans le second, on ne pourra altérer la chaleur sans produire un effet égal sur la lumière, puisqu’elles sont deux manifestations d’un même rayon. Herschel n’avait plus qu’à faire passer les rayons rouges à travers une même lame transparente et à constater l’égalité ou l’inégalité des deux transmissions[1].

Avoir posé ce dilemme, c’est avoir fait connaître la seule méthode qui puisse amener une solution irrécusable de la question; malheureusement il eût fallu des expériences bien précises pour reconnaître l’égalité des extinctions lumineuses et calorifiques, et celles d’Herschel étaient très imparfaites : il répondit négativement et se prononça pour l’hétérogénéité des deux agens.

En résumé, Herschel avait fait de grandes découvertes et émis de grandes idées. Il avait proclamé la diversité des rayons calorifiques, et les avait distingués les uns des autres par leur différente réfrangibilité; il avait fait voir que le soleil, outre les radiations qui sont lumineuses, envoie des chaleurs qui n’ont pas de pouvoir éclairant, et ce sont les plus abondantes; celles-là sont les moins réfrangibles. Puis il avait montré que si on reçoit sur un verre un faisceau de rayons calorifiques et lumineux, il n’y a aucune relation entre la transparence et la transcalescence. Il avait ensuite posé une grande question philosophique, celle de savoir si la cause de la chaleur et de la lumière est la même, ou si elle est différente. Primitivement partisan de l’identité, il avait donné tous les argumens que l’on

  1. Philosophical Transactions, page 521. « The question which we are discussing at present may therefore at once be reduced to this single point. Is the heat which has the refrangibility of the red rays occasioned by the light of thèse rays ? For should that be the case, as there will be only one set of rays, one fate only can attend them in being either transmitted or stopped according to the power of the glass applied to them.»