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prennent une direction différente. Alors il se demande si la chaleur est distincte de la lumière, et sans faire aucune expérience de vérification ou d’infirmation, il s’abandonne à cette pensée séduisante, que la même cause pourrait produire les deux effets; il suffirait pour cela d’admettre que certains rayons sont arrêtés par l’œil. Il devait arriver un moment où des physiciens plus heureux feraient de cette hypothèse une réalité.

Ce ne sont là, il est vrai, que les premiers travaux d’Herschel, et il eût mieux valu peut-être pour sa gloire qu’il ne cherchât pas à les continuer. Herschel voulut par des expériences irrécusables établir l’identité des deux causes, et il essaya de démontrer que les effets calorifiques étaient numériquement égaux aux effets lumineux. Alors il exécuta une immense série de mesures; il les fit avec les appareils qu’il connaissait, que l’on connaissait à son époque, et dont les indications, plus souvent inexactes que justes, devaient égarer un grand esprit; il prit naturellement ses résultats pour des vérités; il en tira des conséquences qu’il crut fondées et qui n’étaient que des erreurs. Bientôt ses illusions s’évanouirent, ses opinions se transformèrent, et au lieu de ces pensées fécondes qu’il avait si clairement exprimées, nous le voyons soutenir avec embarras et sans transition une opinion entièrement opposée. On comprend qu’il ait montré la contradiction de ces expériences avec la théorie de l’identité; mais ce dont on a droit de s’étonner, c’est qu’il ait réfuté lui-même et dans des termes presque violens les raisonnemens que lui-même avait produits.

Il avait dit : « Quand une seule cause suffit, nous ne sommes pas en droit d’en imaginer deux.» Il reprend maintenant : « La nature n’est pas dans l’habitude d’user d’un seul et même mécanisme avec deux de nos sens différens, témoin les vibrations qui font le son, les effluves qui occasionnent l’odorat, les particules qui produisent le goût, la résistance des corps qui affecte le toucher; tous ces moyens sont particuliers à chaque organe spécial des sens. Allons-nous maintenant supposer qu’un même mécanisme puisse causer deux sensations si différentes, la perception si précise de la vision et la moins délicate de toutes nos affections, celle qui est commune aux plus grossières parties de notre corps quand elles sont exposées à la chaleur[1] ? » Il continue : « Ceux qui veulent admettre l’identité des deux causes sont obligés d’accepter les propositions suivantes, qui sont arbitraires et révoltantes, qu’en étudiant le spectre du violet au rouge, on trouve d’abord des chaleurs et des lumières croissant en même temps; — du jaune au rouge extrême, une chaleur

  1. Philosophical Transactions, 1800, page 507.