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morceau de glace. La glace se laisse alors traverser par les rayons solaires, et sans s’échauffer, sans se fondre sensiblement, elle les concentre en un foyer où le bois s’enflamme et où les métaux se liquéfient.

Il y a ainsi, à côté des radiations qui éclairent les objets, d’autres radiations analogues qui les échauffent. Nous sommes habitués à les attribuer à deux causes que nous nommons lumière et chaleur, sans être précisément bien certains qu’elles soient distinctes. Nous reconnaissons ensuite que les deux espèces de rayons se propagent avec une énorme vitesse, se réfléchissent toutes deux sur les miroirs polis, traversent toutes deux, sans s’y arrêter, les substances transparentes, de telle façon que la chaleur et la lumière semblent toujours s’accompagner et subir les mêmes actions, et que toutes deux méritent au même degré l’attention des physiciens.

Cependant les deux agens n’ont pas été étudiés avec un soin égal. La lumière a d’abord presque seule attiré les expérimentateurs : Descartes a trouvé les lois de sa transmission; Newton l’a décomposée en ses élémens simples; Huyghens, Young, Fresnel ont achevé d’en découvrir les propriétés, et l’on n’avait presque plus rien à apprendre sur la lumière, qu’on ignorait encore tout sur la chaleur. On avait l’idée préconçue que les deux agens n’ont rien de commun; on s’obstinait à séparer les deux ordres de phénomènes dans les études que l’on en faisait et dans les théories que l’on imaginait; loin de se laisser guider par des analogies évidentes, on refusait pour ainsi dire de les apercevoir.

Il y a une raison qui explique comment la lumière était si bien et la chaleur si peu étudiée; la nature nous a donné un organe merveilleusement délicat qu’elle a rendu sensible à tous les phénomènes lumineux; c’est pour ainsi dire un instrument de physique toujours prêt, qui nous accompagne toujours, et rappelle à chaque instant notre attention sur des phénomènes qui ne cessent jamais de se produire; c’est ce qui a conduit les philosophes à étudier les propriétés et la nature de la lumière. Nous ne sommes pas aussi bien doués pour la chaleur; nous n’avons pas un œil qui la voie; elle nous impressionne, il est vrai, mais d’une manière vague, et sans être analysée par un nerf particulier. A défaut d’un organe spécial qui leur avait été refusé, les physiciens ont dû attendre l’invention d’un instrument capable de remplacer, par ses indications, les sensations qui les auraient dirigés; de là l’inégalité que nous observons entre les progrès de deux sciences si voisines.

Quand on se mit à étudier la chaleur rayonnante, on ne connaissait que le thermomètre. On s’en servit; mais cet appareil, qui suffit pour mesurer les grandes variations de température, est loin de posséder la sensibilité qu’une étude si délicate rend nécessaire, et en