Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/1097

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prosélytes. Ce que croient d’autres hommes est pour moi de peu d’importance. Leurs argumens, je les écoute avec reconnaissance; leurs conclusions, je suis libre de les accepter ou de les rejeter. Je prends, il est vrai, avec joie le nom d’unitaire, parce qu’on essaie de le décrier, et que je n’ai point appris la religion du Christ pour reculer devant les reproches des hommes. Si ce nom était plus honoré qu’il ne l’est, je serais heureux peut-être de le rejeter, car je crains les chaînes qu’impose un parti. Je veux appartenir non point à une secte, mais à la communauté de ces esprits libres qui aiment la vérité et qui suivent le Christ et sur cette terre et dans le ciel. Je désire m’échapper de l’étroite enceinte d’une église particulière, pour vivre sous le ciel ouvert, en pleine lumière, regardant au loin et tout autour de moi, voyant avec mes propres yeux, écoutant avec mes propres oreilles, et suivant la vérité humblement, mais résolument, quelque ardue ou solitaire que soit la voie où elle conduit. Je ne suis donc point l’organe d’une secte; je parle pour moi seul, et je remercie Dieu de vivre dans un temps et dans des circonstances qui me font un devoir d’ouvrir mon âme tout entière avec franchise et simplicité. »

La véritable originalité de Channing est dans cette idée d’un christianisme pur, dégagé de tout lien de secte, dans son aversion contre tout despotisme spirituel, même librement accepté, dans sa haine contre ce qu’il appelle une dégradante uniformité d’opinions. Personne n’a trouvé de plus fortes paroles pour condamner la foi officielle et de commande; personne n’a mieux compris qu’une vérité que l’homme n’a pas tirée de son propre cœur, et qu’il s’applique comme une sorte de topique extérieur, est inefficace et sans valeur morale. Le mot croire est antipathique à Channing. Il voit dans l’obéissance requise pour la foi un reste du vieux système qui reposait sur la crainte et l’oppression des consciences individuelles par l’autorité constituée. Il croit qu’il vaut mieux soulever quelques mauvaises passions que de perpétuer l’esclavage et la léthargie. L’unité telle que l’église l’a entendue depuis son origine lui parait désormais impossible à poursuivre. L’unité dans la variété, telle est pour lui la loi de l’église future, et il se berça de ce beau rêve, que la catholicité, imposée par un clergé distinct des fidèles et gardant pour lui le monopole des choses religieuses, serait remplacée dans l’avenir par la communion universelle des chrétiens animés du pur amour.

Cette tolérance libérale et élevée est le côté qui plaît le plus en Channing, et lui fait trouver les plus nobles accens; on ne se lasse pas de le citer sur ce sujet : « Votre principal devoir à l’endroit de la croyance, dit-il, peut se résumer en deux préceptes : Respect à ceux qui diffèrent de vous; respect à vous-mêmes. Honorez les