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l’Océan à sa surface à d’immenses distances dans la saison des crues. Le Rhône, le Pô, le Nil, sont cités pour la même particularité par M. Smyth. S’il était aussi commode de retirer le sel de l’eau de mer que d’en prendre la température, on reconnaîtrait à la surface de la Méditerranée l’origine des eaux que les courans y promènent d’une manière vagabonde d’après la quantité de sel dont elles sont imprégnées. Nous reviendrons tout à l’heure, à propos des courans, sur cette faible salure observée en dehors de Marseille et le long de la côte d’Espagne. Elle provient évidemment du Rhône et de l’Èbre ; mais en quelle saison a-t-elle été constatée ?

Parmi les applications étonnantes de la science à l’industrie, on peut citer les câbles sous-marins des télégraphes électriques, qui porteront à la postérité le nom de M. Bret. Le câble qui traverse le Pas-de-Calais a été suivi de deux autres communications de l’Angleterre avec le continent : l’une par la Belgique, l’autre par la Hollande. Tout en regrettant de voir que la France ne prenne aucune part à l’établissement de la ligne qui va d’Europe en Afrique par le golfe de la Spezzia, la Corse, le détroit de Boniface, et ensuite de la Sardaigne à la côte d’Afrique, en passant par la petite île de Galite, nous dirons que c’est à la marine française que l’on doit la reconnaissance du fond de la mer entre la Sardaigne et l’Afrique. M. le contre-amiral Mathieu a bien voulu nous communiquer plusieurs des beaux résultats obtenus par son active initiative dans plusieurs parties de la Méditerranée. On suit avec intérêt (je n’ose dire avec bonheur) le profil du fond des mers qui atteint en certains endroits près de deux kilomètres et demi, et qui cependant n’offre point d’escarpemens ni de précipices, comme on en rencontrerait au débouché du canal de la Manche en entrant dans l’Océan, et même, d’après quelques indications fournies par les sondages de M. Smyth, la même plongée abrupte s’observerait en dehors du détroit de Gibraltar. En jetant les yeux sur ces documens, qui sont l’œuvre de MM. Darondau et Lecoat de Kerveguen, on est tout étonné d’y voir la date d’octobre 1854. Sous la direction du même amiral français, et d’après ses instructions, d’autres observateurs relèvent et sondent le détroit de Gibraltar, et vont résoudre enfin, au grand honneur de la France, les questions si controversées des courans de ce fameux détroit. La difficulté de retirer des eaux d’une grande profondeur, sans mélange avec les eaux supérieures, nous fait craindre que les questions relatives à la salure dans ces parages ne soient encore ajournées.

Passons à la question des marées. Tout le monde répète qu’il n’y a point de marées dans la Méditerranée, si ce n’est dans le voisinage du détroit de Gibraltar, où se propagent celles de l’Atlantique. L’amiral Smyth combat victorieusement cette assertion, tout en convenant que l’action des vents, de la pression atmosphérique et des