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quant à cet important point de la géographie physique. Voici la maigre table des résultats connus jusqu’ici. En prenant l’eau douce de pluie pour point de départ, ou bien l’eau que donne la distillation, on trouve en général que l’Océan Atlantique est plus lourd que l’eau douce d’environ 28 millièmes, et que dans les localités suivantes l’eau de la Méditerranée, aux profondeurs indiquées, surpasse la même eau douce du nombre de millièmes suivans. Les profondeurs sont marquées en brasses anglaises de 6 pieds, qui équivalent chacune à 1m, 629.


LOCALITÉS PROFONDEUR EXCÈS DE POIDS
en brasses anglaises en millièmes
Détroit de Gibraltar
250
30
À 50 milles en-deçà du détroit
670
129
Devant Marseille
à la surface
27
Entre l’Espagne et les îles Baléares
8
27
Entre Minorque et la côte de Barbarie
450
29
Entre Carthagène et Oran
400
30
Entre la Sardaigne et Naples
60
29
À l’embouchure de l’Adriatique
45
29
Entre Malte et Cyrène
60
28
À l’entrée de l’Hellespont
34
28
À l’embouchure du Bosphore
30
14
La Mer-Noire
à la surface
14
L’Océan en général
28


La Mer-Noire, ce grand bassin isolé de la Méditerranée, est sensiblement moins salée que celle-ci, puisque son excédant de poids sur l’eau douce n’est que la moitié de celui de l’Océan, savoir 14 au lieu de 28. La raison de cette différence est évidente. Cette mer, d’une étendue restreinte, reçoit d’immenses cours d’eau : le Danube, le Dniester, le Dniéper ou Borystène, le Don ou Tanaïs, le Kouban ou Hypanis, et enfin le Phase et les petits fleuves de l’Asie-Mineure, qui ont perdu depuis longtemps leur nom grec et leur célébrité ; c’est donc une masse d’eau douce qui vient se mêler à ces eaux salées, et qui ressort par un trop plein dans la Méditerranée au moyen du Bosphore et de l’Hellespont. Lucain dit très poétiquement que la Propontide, qui Porte le poids de l’Euxin, se précipite par une étroite embouchure dans la Méditerranée :

Euxinumque ferens parvo ruit ore Propontis.


Il doit s’ensuivre que la salure de cette masse considérable d’eau doit aller continuellement en diminuant, puisqu’elle reçoit sans cesse de l’eau douce tout en versant de l’eau salée par le Bosphore. Si les Argonautes ou les Grecs du temps d’Aristote en eussent déterminé la salure exacte, nous aurions aujourd’hui un moyen de plus pour vérifier l’âge du monde, c’est-à-dire l’époque où s’est établi l’ordre actuel