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Ce résultat paraît avoir été infirmé par de nouvelles mesures, notamment par celles de M. Bourdaloue. Au reste un courant marchant avec la vitesse que produirait une différence de niveau de dix mètres serait bien plus rapide que celui qu’on observe aux colonnes d’Hercule ou à l’Hellespont, dans le voisinage de Troie, et la preuve de la faiblesse comparative de ces courans, d’ailleurs très constans, se tire de cette considération, que les brises aériennes, quand elles sont un peu fortes, suffisent pour renverser à la surface le sens du courant dans ces deux localités. Je suis disposé à avoir une grande confiance en M. Bourdaloue, dont les recherches sont hautement appréciées. Cependant, quand on considère les anciens travaux des Égyptiens, qui établissaient l’égalité de niveau entre le Nil au Caire et la Mer-Rouge à Suez, et qu’on songe de plus qu’entre le Caire et les bouches du Nil le fleuve a une pente qui produit, par le choc de ses eaux contre celles de la mer, les boghaz si poétiquement décrits par Homère, on en conclura naturellement que, si le résultat de l’expédition scientifique de l’Égypte était peut-être un peu exagéré en plus, les nouvelles déterminations le sont peut-être en moins. L’amiral Smyth attribue à l’action d’un vent soutenu des variations de niveau ou dénivellemens de plusieurs mètres, et comme l’action de ces vents est comparable à l’action des courans qu’elle renverse souvent, on doit en conclure que les courans, qui sont de même force que les vents, peuvent correspondre aussi à des dénivellemens de plusieurs mètres. Nous dirons en général cependant que les grands nivellemens français de Dunkerque à Perpignan, et de l’Océan à la Méditerranée, par la vallée de la Garonne et de l’Aude, n’ont donné aucune différence sensible de hauteur entre la Méditerranée et l’Océan, pas plus qu’en Amérique on n’en a constaté entre le Pacifique et l’Atlantique des deux côtés de l’isthme de Panama. Là comme ailleurs, ce que nous ne savons pas, nos descendans le sauront ; mais il y a un mérite considérable à pouvoir leur indiquer dès ce jour ce qu’ils auront à rechercher : on a dit depuis longtemps qu’une question bien posée était plus qu’à moitié résolue.

Puisque la Méditerranée reçoit de l’Océan et de la Mer-Noire des eaux salées qui n’en sortent que par l’évaporation, c’est-à-dire en y laissant toute leur salure par une vraie distillation, il est évident que, d’année en année, la salure de ses eaux doit augmenter. Nous sommes naturellement portés à nous plaindre de ce que les Grecs, il y a vingt-cinq siècles, n’ont pas déterminé la salure des eaux de leur mer, loin des courans fluviatiles. Ils pourraient à juste titre récriminer contre nous en nous demandant si nous-mêmes aujourd’hui nous avons pourvu à l’instruction de la postérité, en fixant pour notre époque ces données de la nature. L’ouvrage de M. Smyth, si complet du reste, nous montre la pauvreté actuelle de la science