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Courage, enfans de l’aurore!
Bravons l’homme un jour encore.
Demain nous serons sauvés.
Son pied chancelle à mesure
Qu’il trouve une arme plus sûre,
Et ses reins sont énervés.

Il a perdu toute haleine
Dans l’air épais de la plaine.
Tous ses enfans naissent vieux.
Et l’âme, dans leurs corps frêles.
N’a plus d’essor et plus d’ailes
Pour monter si près des cieux.

Mais, sur sa cime éternelle,
Toujours l’Alpe maternelle
Verra bondir d’un pied sûr.
Fier de sa robuste adresse.
Le noir chamois, qui se dresse
Entre la neige et l’azur.

III.


LE GLACIER.


Il est sur l’Alpe immense, il est un froid empire
Où plus rien ne végète, où la nature expire.
Et dont nulle saison de joie ou de douleur
Ne change au gré des jours l’immobile couleur.
Là nul être vivant n’a laissé de vestige.
Et le sang le plus chaud dans les veines se fige.
Lorsqu’à ces blancs sommets l’âme atteint dans son vol.
Le feu des passions meurt en touchant le sol;
Car sur cette hauteur lumineuse et glacée
Rien ne peut habiter, si ce n’est la pensée.
Délivré de ton cœur et de tes sens épais.
Là ton esprit plus pur aura trouvé sa paix.
Va donc! pour embrasser cette vierge sans tache.
Monte à travers la brume où sa tête se cache.
Tu verras, de là-haut, s’élargir l’horizon
Dans la sérénité de l’auguste raison.
Et ton âme, ô poète, aura su faire en elle
Le calme et la clarté de ma neige éternelle.