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déficit de 2,840,000 livres sterling (71,000,000 fr.). Et comme le produit de l’impôt sur le revenu était évalué à plus de 6 millions sterling pour l’année, en portant la taxe au double du tarif pendant le premier semestre, le chancelier de l’échiquier obtenait un surcroît de revenu de 3,307,500 livres sterling, qui devait combler ce déficit temporaire et laisser encore une marge de 11 à 12 millions de francs pour faire face à l’imprévu.

La combinaison était bonne, mais évidemment insuffisante. Il semblait que les ministres eussent un parti pris de ne mettre leurs moyens d’action en rapport ni avec la gravité des circonstances, ni avec la grandeur du but. L’opinion s’en inquiétait, et le parlement, tout aussi peu rassuré, votait sans comprendre. On demandait pourquoi le ministère, en proposant de doubler l’income tax, n’étendait pas cette augmentation aux produits de l’année entière. Là-dessus, le chancelier de l’échiquier croyait se tirer d’embarras par un hommage rendu à l’omnipotence du parlement.


« C’est notre devoir, disait-il, de ne pas soustraire les dépenses publiques, et particulièrement les dépenses de la guerre, au contrôle de la chambre des communes. Si nous venions vous demander de prendre sur le produit des taxes et de placer dans nos mains une somme considérable de millions à consacrer aux préparatifs de la guerre, vous auriez le droit de nous dire : « Attendez que la nécessité s’en fasse sentir. Le parlement n’est pas au moment de se séparer ; nous ne sommes qu’au mois de mars, et vous pourrez nous faire de nouvelles propositions en juin ou en juillet, si l’état du pays et la situation de l’Europe le commandent. »


Le parlement britannique était loin de tenir le langage que M. Gladstone lui prêtait. Majorité et minorité, tout le monde avait compris que les préparatifs d’une grande guerre ne se font pas pièce par pièce ni jour par jour, que le succès tient au contraire à l’ensemble des dispositions, et que, pour donner confiance aux siens autant que pour frapper l’ennemi de terreur, il faut avoir, dès l’entrée en campagne, la libre et entière disposition des forces ainsi que des ressources dont les circonstances peuvent réclamer l’emploi. Le ministère lui-même ne tarda pas à reconnaître et autant que possible à réparer son erreur. À deux mois de date, le 9 mai, un nouvel exposé financier fut présenté à la chambre des communes. Dans cette seconde édition du budget, la dot de la guerre est assurée.

Dans son exposé du 7 mars, le chancelier de l’échiquier, présentant une évaluation sommaire du revenu et des charges de l’état pour l’exercice qui allait s’ouvrir, estimait les recettes probables à 53,349,000 livres sterling (1,333,725,000 fr.), et les dépenses à 56,189,000 livres sterling (1,404,725,000 fr.), dans lesquelles le budget de l’armée et de la marine, qui flotte année commune entre