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y découvre à la fois l’âme du patriote et le cœur facile aux séductions de l’amour. En parcourant ses lettres, on trouve souvent à l’admirer, presque aussi souvent à le plaindre, presque jamais à l’accuser : mais toujours la nature s’y montre elle-même, d’autant plus saisissante qu’elle y songe moins. Les épistolographes italiens ont toujours écrit pour le public, et l’ont entretenu de ce qui était public ou de ce qui pouvait le devenir ; en voici un qui n’a pas écrit de lettres pour être lu dans les académies, dans les cercles ou dans les cafés : nouvelle figure en Italie, un épistolographe sans préméditation ! il est probable que ces trois volumes lui survivront.

La correspondance de Foscolo est toute confidentielle. Comme il n’était pas de ces hommes de lettres qui étendent sans cesse leurs relations, qui aspirent à remplir de leur personne le plus grand espace possible dans le monde, on pense bien qu’elle n’est pas très variée, et qu’elle se compose elle-même de trois ou quatre correspondances avec des amis plus chers ou plus intimes. Si l’on écarte les lettres d’amour que les éditeurs ont bien fait de ne pas multiplier, et qui sont encore assez nombreuses, il n’y a que trois séries considérables de lettres dans cet epistolario, les lettres au comte Giovio, celles à la comtesse d’Albany et celles à la Donna Gentile. Le comte Giovio était l’un des membres les plus honorables de ce patriciat milanais que Foscolo tenait en si médiocre estime ; mais le démocrate vénitien, patricien lui-même, pardonnait au comte sa noblesse à cause de son mérite. Ce dernier était l’ami et le collaborateur du célèbre Volta ; il portait dignement et avec des titres littéraires un nom illustré par la littérature : le comte Giovio était de la famille du célèbre évêque de Nocera, le secrétaire des papes, Paolo Giovio, ce Paul Jove qui vendait la gloire aux princes de son temps et qui même, dit-on, faisait acheter fort cher sa modération dans l’injure. Le comte occupait, sur les bords du lac de Corne, cette fameuse résidence décrite par l’historien en tête de ses Éloges, et enrichie des portraits de ceux que Paul Jove admettait dans son livre. L’auteur de Jacques Ortis venait souvent, à la belle saison, se mêler à la colonie milanaise fuyant les bruits et la chaleur de la ville. Cet amoureux de l’antiquité retrouvait là Catulle saluant la belle presqu’île de Sirmio, et Pline le jeune sillonnant le soir les eaux limpides du lac, tandis qu’il se fait conter les historiettes des environs, pour les conter à son tour aux beaux esprits de Rome.

La comtesse d’Albany accueillit Foscolo, lorsqu’il se réfugia de Lombardie en Toscane. On sait que cette dame, veuve de Charles Stuart le prétendant, avait donné au prince, de son vivant même, un successeur, le poète Alfieri. Par amour sans doute de la gloire, et la cherchant sous toutes les formes, la veuve d’un prétendant à