Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/924

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’Olympe, que défendait Boileau, ont livré leurs derniers combats. Est-il nécessaire de dire que le renom de Jacques Ortis s’est répandu en Europe, mais que le succès de ce livre s’est à peu près borné entre les limites de l’Italie ? C’est une assez belle gloire, pour un poète, d’avoir passionné toute la jeunesse d’un grand pays ; telle fut la destinée de Jacques Ortis, et ce livre, né spontanément, mais sans propos délibéré, du cœur de Foscolo, demeure le plus original et le plus intéressant de ses ouvrages.

L’auteur de Jacques Ortis n’a fait qu’un petit nombre de poésies ; il l’a dit lui-même, il traitait sa muse comme ses maîtresses : il courait avec ardeur après elle, mais il la quittait bientôt, de peur d’être gagné par l’ennui. Il n’avait ni avec l’une ni avec les autres un sentiment bien clair de l’obligation ; en poésie comme en amour, il ne se créait pas de devoir. La fuite de l’ennui était sa règle, parce que l’ennui occupait une grande place dans son existence : c’était son ennemi intime et mortel. « Condition de l’homme : inconstance, ennui, inquiétude, » a écrit Pascal, qui a si bien connu et décrit l’ennui. Foscolo souffrait de ne pas agir ; il était ambitieux d’action, et ne pouvait se résigner à l’humble part de l’activité littéraire, telle qu’on la conçoit en Italie. Faire des tragédies sans convertir la scène en tribune, traduire Homère ou Virgile, jouer son petit rôle dans une des cinquante académies italiennes, manœuvrer habilement parmi les petites passions et les petits amours-propres, c’était un métier qu’il ne savait pas ; la nature l’en avait fait incapable. L’ennui était une plante féconde et vivace qui jetait sans cesse en lui de nouvelles racines, et, si ce n’est dans certains momens d’agitation, elle lui repoussait toujours au fond du cœur.

La plus célèbre de ses pièces est assurément celle de i Sepolcri (les Tombeaux). L’usage avait cessé d’ensevelir les morts autour des églises ou dans les églises mêmes. Les sépultures étaient portées hors des villes ; mais ceux qui ne laissaient pas de quoi payer un monument funèbre ; étaient confondus dans la foule des morts, et il ne restait plus rien d’eux aux regards de leurs amis. Le poète Parini était mort pauvre depuis sept ou huit ans, et la trace de sa dernière demeure était perdue. Telle fut l’occasion qui inspira les beaux vers des Sepolcri. Deux sentimens dominent dans cette pièce ; l’auteur est à la fois démocrate et disciple passionné de l’antiquité. Il célèbre dans son maître, dans Parini, le poète qui a fait la satire des patriciens milanais ; il remonte par la pensée vers le temps des Grecs, ses aïeux, il leur envie leurs poétiques sépultures. Ces deux sentimens ont dicté les deux meilleurs morceaux des Sepolcri.

« Une loi nouvelle place aujourd’hui les sépultures loin des regards amis, et dispute aux morts la durée de leur nom. Il est étendu sans tombeau, ton