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des esprits. La guerre étrangère, puis les menaces et les agressions radicales les avaient fait supporter, parce que dans ces grandes épreuves ils s’étaient montrés les champions toujours énergiques et dévoués, sinon toujours habiles, de la cause du pays et de celle de l’ordre. L’Angleterre, une fois sortie de ces terribles luttes, devait appeler bientôt à la direction de ses affaires des hommes plus éclairés, plus accessibles aux idées nouvelles, moins absolument, moins aveuglément attachés au maintien d’anciens abus désormais sans justification possible et même sans excuse.

Un événement qui causa en Angleterre et dans tout le monde civilisé le plus déplorable scandale ne contribua pas peu au discrédit qui commençait dès lors à s’attacher à une administration longtemps si puissante et encore environnée au dehors d’une si grande considération. Je veux parler du procès de la reine Caroline, que son mari, le nouveau roi George IV, traduisit devant la chambre des lords sous une accusation d’adultère. On sait comment échoua cette accusation, on sait avec quelle passion extravagante l’opposition et la grande majorité du peuple anglais prirent la défense d’une femme que l’on voulait croire innocente parce qu’elle était persécutée, parce que celui qui la dénonçait à la vindicte publique avait eu le premier envers elle des torts impardonnables. Personne n’ignore que les ministres avaient d’abord essayé de prévenir le honteux procès dont ils ne pouvaient méconnaître les inconvéniens. On voit, par une lettre confidentielle de lord Castlereagh à son frère, l’ambassadeur auprès de la cour de Vienne, que le roi fut sourd à toutes leurs remontrances. Il leur déclara par écrit que la persistance de leur refus de consentir à ce qu’il désirait n’aurait d’autre effet que de l’obliger à choisir de nouveaux conseillers, et que, s’il ne pouvait en trouver qui se prêtassent à ses vues, il se retirerait en Hanovre. Un moment le ministère se considéra comme dissous. Le roi se laissa pourtant persuader de consentir à des propositions qui, si la reine les eût acceptées, auraient empêché un éclat ; mais cette malheureuse princesse n’ayant voulu entendre à aucune transaction, les ministres ne crurent pas pouvoir refuser plus longtemps au roi le concours qu’il leur demandait. L’opinion publique jugea sévèrement cet acte de condescendance, elle ne voulut y voir que la preuve d’un désir immodéré de garder le pouvoir, et peut-être ne tint-elle pas assez compte des difficultés très réelles de la situation. Les esprits, absorbés pendant plusieurs mois en Angleterre par ce triste conflit, semblèrent pour un moment perdre de vue les grands événemens qui se passaient dans le midi de l’Europe, et qui devaient apporter des modifications si considérables aux relations établies entre les puissances depuis 1815.

J’ai déjà parlé de la révolution d’Espagne. Un des résultats de