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et Vaulabelle, la lecture de son livre suffirait pour démontrer qu’il a négligé l’étude des documens originaux. C’est, à n’en pouvoir douter, une œuvre de seconde main. Or est-il possible, en procédant ainsi, de captiver, d’enchaîner l’attention ? Je suis loin de le penser. Essayer de prendre une moyenne entre les assertions de M. Lubis, écrivain légitimiste, et celles de M. Vaulabelle, écrivain libéral, c’est à mes yeux une tentative chimérique. Pour composer un récit vivant, un récit qui puisse émouvoir et instruire, il faut avoir reçu l’impression directe des faits, ou les avoir recueillis des acteurs et des témoins. Espérer suppléer à ce travail préliminaire par la puissance de la réflexion, c’est s’abuser étrangement. L’esprit le plus pénétrant, quelque effort qu’il fasse, ne réussira jamais à deviner la physionomie des événemens ; il aura beau consulter des récits appuyés d’études consciencieuses, rien ne pourra remplacer pour lui les acteurs et les témoins. Il y a certainement beaucoup à louer dans le livre de M. Vaulabelle ; c’est l’œuvre d’un homme laborieux, animé de sentimens élevés, résolu à chercher la vérité par tous les moyens dont il peut disposer. S’il n’a pas su donner à tous les épisodes les proportions qui leur conviennent, s’il a manqué plus d’une fois aux lois de la composition, on ne peut lui refuser du moins le mérite d’avoir interrogé tous les documens dignes de confiance ; mais quelque soin qu’ait pris l’auteur de puiser à toutes les sources d’informations, il ne dispense pas du travail celui qui veut écrire un livre sur le même sujet.

M. de Lamartine ne paraît pas avoir compris cette nécessité. Plein de confiance dans son imagination, il a cru pouvoir s’épargner cette besogne, fastidieuse quand on l’entreprend à regret, pleine d’attrait quand on la poursuit avec une énergique résolution. À coup sûr, il n’a pas choisi le parti le plus sage ; mais, tout en le condamnant, il faut lui tenir compte de sa position exceptionnelle. N’oublions pas qu’il est depuis longtemps l’enfant gâté du public, qu’il est habitué à se voir tout pardonner, que ses ébauches les plus confuses sont acceptées comme des œuvres achevées. Son indolence, que rien ne justifie, trouve du moins une excuse dans l’extrême indulgence de la foule. Pour ne pas profiter de cette position exceptionnelle, il aurait eu besoin de rencontrer parmi ses amis un homme assez franc pour lui montrer le danger ; l’Histoire des Girondins et l’Histoire de la Restauration prouvent assez clairement qu’une voix sincère lui a manqué. Personne n’a voulu ébranler sa confiance en lui-même, et lui conseiller, comme l’accomplissement d’une condition impérieuse, l’étude directe des faits. Aussi qu’est-il arrivé ? Son dernier livre n’est qu’une improvisation tantôt ingénieuse, tantôt passionnée, trop