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DU
POÈTE HISTORIEN


Histoire de la Restauration, par M. De Lamartine, 8 vol. in-8o.

Je ne suis pas de ceux qui refusent aux poètes la faculté d’écrire l’histoire, je pense au contraire que l’imagination joue un rôle très important dans le talent historique ; mais pour que l’imagination intervienne utilement dans la composition d’un récit fondé sur la réalité, il faut que les matériaux aient été préparés par la science, c’est-à-dire par l’étude attentive des faits, par le dépouillement des documens originaux. Apres l’accomplissement de cette condition préliminaire, l’usage de l’imagination n’offre aucun danger. Je vais plus loin, je la considère comme un auxiliaire indispensable. Pour le contester, il faut n’avoir jamais compris qu’un seul côté de l’histoire. Qu’on me vante tant qu’on voudra l’érudition des annalistes, qu’on préconise l’utilité, l’exactitude de leurs travaux : malgré ma profonde estime pour leur persévérance, pour leur dévoûment à la vérité, je ne consentirai jamais à les prendre pour de vrais historiens. Il ne suffit pas de connaître la vérité, de la connaître tout entière, dans ses moindres détails, pour prétendre légitimement au titre d’historien ; un pareil titre ne se conquiert pas si facilement. Les grands écrivains de la Grèce et de l’Italie qui ont entrepris le récit des événemens accomplis dans leur pays avaient mesuré toutes les difficultés de leur tâche, et ne séparaient pas la science de l’art, c’est-à-dire la mémoire de l’imagination. Le secret des négociations, les