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l’école de’ Mendicanti, qui était alors dirigée par Bertoni. On lui donna un petit concert dont il nous a transmis le récit dans son Voyage. Le premier violon était joué par Antonio, Cubli, d’origine grecque ; Francesca Rossi tenait le clavecin et dirigeait le chœur ; Laura Rifregari, Giacoma Frari, chantèrent des airs de bravoure d’une étonnante difficulté, tandis que Francesca Tomj et Antonia Lucowich firent entendre des morceaux d’un style plus élevé. Burney ajoute qu’il fut aussi édifié de la tenue et de la décence de ces jeunes filles qu’il avait été charmé de leurs talens[1]. Le succès de chacune de ces écoles variait selon le mérite et le goût plus ou moins sévère du maître qui en avait la direction. C’est par la partie instrumentale et la bonté de son orchestre que se distinguait surtout la Pietà, tandis que la Scuola de’ Mendicanti fut toujours célèbre par le nombre des belles voix et la perfection de l’art de chanter. C’est aux Mendicanti que fut élevée la fameuse Faustina Bordoni, une des grandes cantatrices de la première moitié du XVIIIe siècle, et c’est également de la même école qu’est sortie Bosana Scalfii, pauvre fille du peuple que l’illustre Marcello, séduit par la rare beauté de sa voix, épousa secrètement. Galuppi, qui a dirigé longtemps l’école degl’ ’Incurabili, lui avait donné un grand éclat vers les dernières années du XVIIIe siècle. Burney en parle avec le plus grand éloge. Il dit en propres termes : « Plusieurs élèves de cette institution ont de rares dispositions pour léchant, particulièrement la Rota, Pasqua Rossi et Ortolani. Les deux dernières chantèrent un cantique sous la forme de dialogue et avec accompagnement de chœurs. L’introduction instrumentale, écrite pour deux orchestres, était remplie de détails charmans, et les deux chœurs, soutenus de deux orgues, se répondaient l’un à l’autre comme un écho. Je fus enchanté de l’exécution, ainsi que le nombreux auditoire qui se trouvait avec moi dans l’église. » Sous la direction de Sacchini, l’Ospedaletto eut aussi un moment d’éclat qui cessa d’exister après le départ de ce grand maître.

On allait à l’église de ces écoles comme à un concert ; on en parlait huit jours à l’avance comme d’un spectacle qui promettait d’être amusant, et après une belle cérémonie qui avait attiré la foule aux Mendicanti à la Pietà ou à l’ Ospedaletto, on s’entretenait de l’œuvre qu’on y avait entendue, on louait l’exécution de l’ensemble, et si quelque scolara s’était fait remarquer par une qualité saillante, son nom devenait aussitôt la proie des poètes à la mode qui le lançaient dans le monde ut lui donnaient ainsi une célébrité précoce. — Avez-vous entendu la Rosalba aux Mendicanti ! se disait-on dans les conversazioni de bonne compagnie. Quelle voix magnifique et quelle flexibilité !

  1. Voyage de Burney, t. Ier, p. 158 de la traduction française.