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comme un parfum, se retrouve dans toutes les institutions de Venise, et forme, à vrai dire, le trait saillant de son histoire.

Chacune de ces écoles renfermait un nombre plus ou moins considérable de jeunes filles, nombre qui s’élevait quelquefois jusqu’à cent, et qui était rarement au-dessous de cinquante. À la Pietà et aux Incurables, il y eut presque toujours soixante-dix élèves. Pour être admise dans l’un de ces asiles, la jeune fille devait être pauvre, affligée de quelque infirmité et avoir vu le jour sur le territoire de la république ; cependant cette dernière condition n’était pas toujours nécessaire, car avec des protections et une belle voix on faisait fléchir aisément la rigueur des statuts. Les élèves y recevaient une instruction très soignée, dont la musique formait l’objet principal. Elles y restaient jusqu’à l’âge où elles pouvaient se marier ou trouver l’emploi de leurs talens. Elles entraient dans les théâtres, dans les chapelles, ou se destinaient à l’enseignement. Quelques-unes restaient dans l’institution où elles avaient été élevées, y prenaient le voile et remplissaient alors les fonctions de répétiteurs. On divisait les élèves de chacune de ces écoles en deux grandes catégories : les novices et les provette ou anciennes, qui avaient déjà quelques années de séjour dans l’établissement.

Celles-ci enseignaient aux autres les premiers élémens de l’art sous la surveillance du maître, dont elles étaient les coopérateurs. Les jeunes filles qui avaient de la voix se vouaient particulièrement à l’art de chanter. Les autres apprenaient à jouer d’un instrument, l’une du violon, de la viole, l’autre de la basse ; celle-ci donnait du cor, celle-là s’exerçait sur le hautbois, sur la clarinette, sur le basson, et l’ensemble de ces divers instrumens formait un orchestre complet. Presque toutes jouaient du clavecin et savaient l’harmonie, ce qui les mettait en état de remplir à première vue une basse chiffrée et d’accompagner la partition. Comme ces écoles étaient des espèces de couvens, il y avait une église attenant à l’hospice où les élèves, cachées derrière une grille, assistaient à l’office et prenaient part aux cérémonies du culte. Deux fois par semaine, le samedi et le dimanche au soir, sans compter les fûtes extraordinaires, on chantait les vêpres en musique ou quelque motet composé expressément pour ces jeunes filles par le maître qui dirigeait l’école, (les jours-là, l’église était remplie d’une foule de curieux et de dilettanti qui venaient admirer ces voix virginales inspirées par le plus pur sentiment de l’art. On y exécutait des chœurs, des motets à une, deux et trois voix, tantôt sans accompagnement, tantôt avec le concours de l’orchestre ou de l’orgue. Très souvent aussi la voix comme et déjà célèbre de l’une de ces jeunes filles se produisait seule avec un simple accompagnement de violon ou de violoncelle. Des espèces d’intermèdes symphoniques,