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la ressource des capitaux flottans. Le danger ici provient de l’excès des émissions et ne réside, pas dans leur nature.

Ce qu’il faut interdire au trésor, ce qui ne rentre pas naturellement dans le cercle de ses opérations, c’est l’émission du papier de banque. Les billets de banque ne sont reçus dans la circulation et n’y font office de monnaie que par le privilège qu’on leur conserve de s’échangera la première demande contre de l’or ou de l’argent. Cette obligation de rembourser les billets, sans délai et à bureau ouvert, condamne les établissemens qui les émettent à tenir en réserve dans leurs caisses une masse considérable de métaux précieux, et à étudier les variations du marché pour mesurer à ce thermomètre décisif, quoiqu’un peu obscur, l’étendue de la circulation fiduciaire. Une banque y pourvoit au moyen de son capital qu’elle a soin, lorsqu’on la dirige prudemment, de garder disponible. Les associations commerciales qui émettent des billets à vue, sous le contrôle du gouvernement, présentent encore un autre avantage : si leur intérêt les porte à exagérer les émissions pour accroître la somme de leurs bénéfices, une crainte plus forte les retient, celle d’exposer leur capital et d’affaiblir leur crédit. L’état, en se chargeant de cette fonction délicate, n’offrirait pas les mêmes garanties. Il ne peut pas être l’arbitre de la circulation, car il subordonnerait infailliblement l’intérêt du crédit aux exigences de la politique. Les billets seraient émis alors non pas dans la mesure des besoins de l’industrie et du commerce, mais pour subvenir aux nécessités du trésor. De plus, ils ne prendraient la place d’aucune autre valeur dans la circulation ; ils ne serviraient ni à escompter des lettres de change, ni à acheter des métaux précieux, ni à prêter sur dépôt de marchandises ; ils ne représenteraient donc rien, si ce n’est un engagement de l’état.

Quand les banques émettent des billets au porteur sous la condition du remboursement à vue et en espèces, le gouvernement, au nom de l’intérêt général, les surveille et les modère. Si les émissions émanaient du trésor public, qui exercerait ce contrôle et où résiderait le pouvoir modérateur ? Quand on donne au gouvernement la faculté d’agir sur la circulation, il l’altère ; quand on l’autorise à créer des billets de banque, il ne tarde pas à en faire des assignats. Le papier-monnaie semble avoir pour lui la fascination de l’abîme.

Ces principes, que nous venons de rappelée, prévalent généralement en Europe. Dans les contrées éminemment industrieuses, comme la France et l’Angleterre, de grandes banques ont le privilège de fournir, par l’émission de leurs billets, un supplément à la monnaie métallique. De chaque côté du détroit, il en circule pour 5 ou 600 millions de francs, qui se maintiennent sans difficulté au pair de l’or et