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n’a pas fait par lui-même en matière de crédit, il l’a suscité par sa garantie et se l’est approprié. Banques d’émission, caisses de prêt et de dépôt, institutions de crédit hypothécaire, caisses d’épargne et monts-de-piété, tout émane de lui seul ou remonte à lui en dernière analyse. C’est une espèce de communisme financier qui s’ajoute au communisme foncier, et qui en aggrave les conséquences en faisant de toutes ces mailles une chaîne sans fin.

Dans les autres états de l’Europe, il est arrivé plus d’une fois que l’esprit d’association, livré à ses propres forces, ne pouvait pas se placer à la hauteur des entreprises d’utilité publique. Les gouvernemens ont alors pensé qu’il leur appartenait de l’encourager ou de le soutenir ; ils se sont bien gardés de le supplanter. Ils ont compris que, dans l’intérêt même du succès, il ne fallait ni affaiblir ni partager la responsabilité des compagnies, ni surtout les dispenser de la prévoyance. Quand la garantie d’intérêt a été accordée à une compagnie qui entreprenait un canal ou un chemin de fer, cette garantie n’avait d’autre objet que de faciliter la formation du fonds social ; elle portait sur l’intérêt du capital plutôt que sur le capital même. L’état s’obligeait, pour le cas peu probable où les produits nets de l’entreprise n’auraient pas permis de servir aux actionnaires un revenu de trois ou quatre pour 100, à fournir ce revenu aux dépens du trésor public et à contribuer au besoin au fonds d’amortissement ; mais il ne contractait aucune autre charge. Sa garantie ne s’étendait pas aux opérations de la compagnie, dont il ne devenait en aucune façon solidaire. Son rôle était de surveillance et de tutelle, mais nullement de gestion.

Le gouvernement russe n’a pas observé cette réserve salutaire. La garantie qu’il a donnée à tous les établissemens de crédit est universelle et absolue. Il en résulte que ces institutions ne tardent pas à se trouver exposées à un double péril ; leur solidité peut se trouver à la fois compromise par les fautes des hommes qui les dirigent et dont la responsabilité est purement nominale, et par les exigences d’une politique qui est responsable en fait, mais qui consulte ses convenances plutôt que l’intérêt même du crédit. L’état de son côté, pouvant être engagé indéfiniment par les opérations de ces diverses caisses ou banques qui prêtent d’une main et empruntent de l’autre, outre le fardeau de ses propres fautes à porter, court le risque de succomber sous le poids de toutes les folies dans lesquelles restent maîtres de se lancer, à la tête de chaque établissement, autant de Law de contrebande.

Ces folies ne sont pas une hypothèse gratuite ; elles ont été commises sur la plus large échelle, et en grande partie par des excitations qui venaient du gouvernement. La banque d’emprunt, la banque