Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/748

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mesure que les gouvernemens avaient laissée jusqu’alors aux révolutions, n’est pas un acte isolé, mais semble faire partie d’un système. La razzia porte jusque sur les choses de la religion. C’est ainsi que l’on s’est emparé des vases sacrés à Czenstochowa, pour une valeur de 1 million de roubles. Mais quoi ! n’est-il pas de bonne guerre de dépouiller les églises catholiques pour défrayer la croisade entreprise au nom du rite grec ?

Ainsi, en portant à 75 millions de francs le reliquat de l’emprunt négocié a Londres et des fonds placés à l’étranger, et à 100 millions le produit des dons volontaires et des confiscations, en supposant que les 200 millions de l’emprunt forcé soient rentrés dans les caisses publiques, et que les fonds empruntés récemment aux lombards et aux banques n’excèdent pas 100 millions, le gouvernement russe aura réalisé en moins de dix-huit mois une somme d’environ 700 millions de francs en dehors des ressources ordinaires. C’est littéralement un second budget qu’il aura dépensé[1].

On remarquera que ces expédiens ne sont pas de ceux qui se reproduisent. Les dons patriotiques offerts par ordre et les emprunts forcés, auxquels la population se résigne péniblement aujourd’hui, échoueront plus tard contre la détresse publique. Les lombards cesseront de recevoir en dépôt les épargnes de l’industrie et du commerce, quand il aura été constaté que le trésor ayant absorbé leurs fonds disponibles, ces établissemens ou ne pourront pas rembourser les sommes prêtées, à la demande des déposans, ou ne pourront opérer ce remboursement qu’en papier-monnaie. Les billets de série ou bons du trésor déjà émis s’élevant à plus de 300 millions, il devient très difficile d’en émettre de nouveaux dans un pays où la masse des capitaux flottans doit être nécessairement peu considérable. Dans les contrées où la fortune mobilière s’est développée sur la plus grande échelle, la dette à terme du trésor représentée par des billets dans la circulation des valeurs atteint rarement le chiffre de 300 millions. La Russie, fera-t-elle sans péril ce qu’aucun ministre n’a tenté en France, sous la république comme sous la monarchie ? La réserve monétaire, de la forteresse, qui était encore au mois de mars, suivant le Moniteur, de 116 millions de roubles (464 millions de francs), peut supporter, j’en conviens, des réductions ultérieures ; mais cette ressource ne conduira pas bien loin : une nouvelle saignée de 30 millions de roubles (120 millions de francs), faite à ce grand dépôt métatlique, mettrait en péril la solidité de la circulation, dès à présent fort compromise. Il ne faut pas oublier que le rouble de papier,

  1. Sans compter le produit des réquisitions de toute nature dont les Russes ont accablé la Moldavie et la Valachie, produit que M. Ubicini évalue à 50 millions de francs.