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une véritable infaillibilité que dans ce qu’elle enseigne ou prescrit de conforme aux notions universelles, ou du moins de conciliable avec ces notions. L’examen tant de l’esprit humain que des croyances générales de l’humanité le conduit à reconnaître cinq dogmes marqués du caractère sacré de l’universalité : — il y a un Dieu ; — un culte lui est dû ; — le meilleur culte est la piété et la vertu ; — le repentir rachète les fautes ; — il existe une justice suprême qui punit et récompense. — Ce sont là, suivant lui, les vérités catholiques, les vérités nécessaires au salut. Elles peuvent servir de critérium pour apprécier les doctrines de toutes les chaires et de toutes les écoles. En effet tout ce qui s’en écarte doit être rejeté ; tout ce qui les confirme et les développe peut être admis : c’est par là qu’il faut juger les religions. La révélation n’est pas impossible, non plus que les miracles ; mais si elle se fonde sur une inspiration directe, elle n’est valable que pour celui qui l’a personnellement reçue. Fondée sur la tradition, elle dépend de l’autorité du récit ; elle est, à ce titre, du ressort du raisonnement, qui doit en élaguer tout ce qui contrarie les notions universelles, par exemple le salut attaché exclusivement à certains dogmes particuliers comme la pénitence des catholiques ou la prédestination des protestans. Soit inconséquence, soit ménagement, notre auteur ne tient pas au reste un langage uniforme à l’égard de la révélation ; tantôt il prétend l’admettre et la fortifier en l’épurant, tantôt il semble la proscrire, ou du moins la diminuer en la réduisant à une doctrine où beaucoup de faux est mêlé au vrai, beaucoup de superflu au nécessaire, car c’est aussi une de ses maximes qu’il y a entre la certitude et l’erreur des opinions intermédiaires qui ne sont pas sans vérité ; mais toujours il fait des notions universelles la régie de toutes les autres, et de l’instinct naturel le maître de nos facultés. C’est évidemment placer la nature au-dessus de la grâce.

Ces dernières opinions, qui se trouvent parsemées dans le traité de la Vérité, où l’on rencontre d’ailleurs de meilleures choses, sont reprises et développées dans deux autres écrits, l’un Sur les Causes de l’Erreur, l’autre Sur la Religion du Laïque[1]. Dans un ouvrage plus considérable Sur la Religion des Gentils, publié après sa mort, Herbert a tracé du paganisme un tableau où ne manque pas le savoir, et il y explique à sa manière comment les anciens ont été conduits à mêler de fictions et d’erreurs les dogmes fondamentaux qu’ils n’ont pas méconnus. C’est à peu près le même sujet que celui du Du sapientia veterum de Bacon ; mais, traité d’une manière moins ingénieuse, il l’est avec plus de critique ci d’érudition. La science moderne

  1. De Cousis errurum. – Religio laici. — Appendix ad Sacerdotes, dans l’édition du De Veritate de Londres 1645.