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esprits, échauffés par les déclamations de certains professeurs et par les violentes provocations de la presse, était effrayante. Les universités surtout étaient en proie à un désordre moral qui se manifestait quelquefois par de grands scandales. — L’assassinat de Kotzebue, égorgé par un étudiant fanatique qui l’accusait de se faire auprès de l’empereur Alexandre le dénonciateur du libéralisme allemand, devint le signal d’une réaction énergique contre ces excès. Comme il arrive presque toujours, cet accident, symptôme dramatique d’un mal depuis longtemps évident aux yeux de tous les hommes sensés, fit plus pour éclairer le vulgaire que n’eussent pu faire les argumens les plus irréfragables, et les gouvernemens y trouvèrent la force de recourir enfin à des moyens de défense efficaces. Le cabinet de Berlin s’effrayait de plus en plus de la violence de l’orage qu’il avait contribué à déchaîner. Renonçant à ses rêves d’ambition pour ne plus songer qu’à conjurer les périls si imprudemment appelés, il se jeta en quelque sorte dans les bras du gouvernement autrichien, qui, n’ayant pas laissé affaiblir dans ses états le principe d’autorité, avait conservé une plus grande liberté d’action. M. de Metternich sut tirer parti, avec son habileté ordinaire, de ce revirement. Par ses soins, une sorte de congrès des représentans des princes allemands se réunit à Carlsbad, où des mesures de circonstance furent arrêtées d’un commun accord pour soumettre les universités et la presse à une discipline plus sévère. Des conférences s’ouvrirent ensuite à Vienne entre les envoyés de tous les états germaniques pour compléter l’organisation de la confédération, dont le pacte fédéral de 1815 avait posé les bases. Sous prétexte de les développer et de les éclaircir, M. de Metternich parvint en réalité à en modifier considérablement le caractère. En 1815, sous l’influence des idées et des préoccupations qui prévalaient alors, on avait surtout cherché à assurer le maintien de la paix entre les états fédérés ; en 1820, tout fut dirigé vers la répression des troubles qui pourraient survenir dans l’intérieur de ces états, et on s’attacha presque exclusivement à la recherche des moyens de prêter main-forte aux gouvernemens contre les exigences des peuples ou des assemblées représentatives. Tel est l’objet principal des dispositions de l’acte final dans lequel on résuma les délibérations de la conférence, et qui attribua à la diète, c’est-à-dire aux deux grandes puissances allemandes dont l’accord devait nécessairement la dominer, une sorte de suprématie sur les souverainetés particulières. Cette suprématie eût été bien plus complète encore, si les plus puissans des états secondaires, la Bavière et le Wurtemberg, jaloux de leur indépendance, n’eussent opposé à M. de Metternich une résistance dont il fallut tenir compte jusqu’à un certain point. Le ministère autrichien dut aussi renoncer au projet qu’il avait formé d’obliger ces états à réviser les constitutions qu’ils s’étaient déjà données