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et il le suivit à York. Quelle part prit-il à la guerre, on l’ignore. On raconte seulement qu’il se sépara la même année du camp royaliste, et Horace Walpole assure qu’il combattit avec les parlementaires. De là des ressentimens et des vengeances qui, dit-on, l’atteignirent, lui et ses héritiers, dans sa fortune. Son château de Montgomery fut démoli, et le parlement dut l’indemniser plus tard de cette perte. Il est probable que sa santé, dès longtemps fort altérée, ne lui permit pas de prendre une part bien active ni même un intérêt bien vif aux luttes de ses dernières années. On voit, par une lettre tout intime à son frère, sir Henry Herbert, que dès 1643 il ne pouvait plus supporter aucun travail et songeait aux eaux de Spa pour se rétablir. Deux ans après, en publiant la troisième édition de son ouvrage, il se plaignait de la fatigue de l’âge et du malheur des temps. On sait encore qu’au mois de septembre 1647 il vint à Paris et rendit visite à Gassendi, à qui il avait envoyé son livre ; mais il ne vécut pas assez pour voir les dernières extrémités de la révolution, car le 20 août 1648 il mourut à Londres dans une maison de la Cité, Queen-Street, et fut enseveli dans l’église de Saint-Giles-des-Champs[1]. Une inscription latine insignifiante y fut gravée sur son tombeau par lord Stanhope. Il en avait composé lui-même une en huit vers anglais, destinée au monument allégorique élevé à sa mémoire dans l’église de Montgomery suivant la description qu’il en a laissée. Cette épitaphe respire une pleine espérance de paix, de joie, de vérité et d’amour.

So his immortal soul should find above
With his creator, peace, joy, truth and love.


La religion, comme il la concevait, tenait une grande place dans son esprit et remplissait son cœur de confiance et de sérénité. Dans les vingt dernières années de sa vie, il régla sa conduite sur ses principes. Il faisait régulièrement deux fois par jour la prière dans sa maison, et le dimanche son chapelain lui lisait un sermon de Smyth. À son lit de mort, il fit appeler le primat d’Irlande pour recevoir le sacrement ; mais avec une singulière indifférence il lui dit que c’était une chose qui ne devait être que bonne ou tout au moins ne pouvait faire aucun mal. Le prélat se récria un peu et finit par refuser. Le mourant alors demanda l’heure et dit : « Dans une heure d’ici, je quitterai ce monde : » puis, tournant la tête d’un autre côté, il expira dans le plus grand calme. Il a laissé une prière écrite pour son usage. Elle est assez longue et n’a pas un grand mérite de style ni de pensée :

  1. De ses deux fils Richard et Henri, l’aîné et l’héritier du titre se montra fidèle aux Stuarts et mourut en 1665, et son fils Édouard, qui lui succéda, se déclara pour Charles II en 1659.