Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/722

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soutenir, et que son culte serait plus beau, si ses églises étaient plus belles. Il faisait remarquer combien l’exemple des ministres de la religion avait servi à rendre le clergé catholique plus régulier et plus retenu. Enfin il exaltait le mérite d’une société chrétienne qui ne reconnaissait dans le gouvernement des affaires qu’une seule autorité, celle du roi. Malheureusement on l’écoutait peu. Par ordre venu de Londres, il se rendit auprès de Louis XIII, alors occupé au siège de Saint-Jean-d’Angely, afin de ménager une pacification ; mais Louis XIII le renvoya à M. de Luynes. Le favori, en le recevant, avait fait cacher derrière une tapisserie un des Arnauld, alors protestant, mais du parti du roi, afin qu’il attestât à ses coreligionnaires l’inutilité des efforts du cabinet de Londres en leur faveur. À l’offre que lui fit l’ambassadeur de la médiation du roi son maître : « En quoi nos actions regardent-elles le roi votre maître ? répondit Luynes. Pourquoi se mêle-t-il de nos affaires ? » Herbert, un peu blessé, dit qu’il n’avait aucun compte à réclamer du roi son maître, et ne devait que lui obéir. Puis il ajouta d’un ton plus doux que, si on lui demandait plus civilement ses raisons, il était prêt à les donner. « Bien, » dit seulement Luynes. Alors l’ambassadeur rappela les engagemens de Jacques Ier avec le feu roi : celui des deux qui devait survivre avait promis de procurer de tout son pouvoir la tranquillité et la paix au royaume de l’autre, et dans les circonstances, si la France était délivrée de la guerre civile, elle serait plus disponible pour appuyer l’électeur palatin contre la Bavière et l’Autriche. « Nous ne prendrons point vos avis, » fut toute la réplique du jeune connétable. On lui répondit que, puisqu’il le prenait ainsi, on savait bien ce qu’on aurait à faire. « Nous ne vous craignons pas, » s’écria Luynes ; et quoique Herbert, restant, dit-il, en-deçà de ses instructions, se bornât à répéter ses dernières paroles, elles mirent son interlocuteur en une telle colère, qu’il alla jusqu’à dire : « Par Dieu ! si vous n’étiez monsieur l’ambassadeur, je vous traiterais d’une autre sorte. » L’épreuve était rude pour un homme du tempérament de sir Édouard. Il n’y tint pas. Il rappela que s’il était un ambassadeur, il était aussi un gentilhomme, et mettant la main sur la garde de son épée : « Voici, dit-il, ce qui vous répondra. » Et il se leva. Luynes, sans mot dire, quitta son siège et fit mine de le reconduire jusqu’à la porte ; mais Herbert lui dit qu’après un tel entretien, ce cérémonial n’était pas de saison, et il sortit.

Peu de jours après, il se retira à Cognac, où le maréchal de Saint-Géran, qui était de ses amis[1], le prévint qu’ayant offensé le connétable,

  1. Jean-François de La Guiche, comte de La Palice, seigneur et maréchal de Saint-Géran, mort en 1632.