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l’ancien parti modéré qui avait aidé naguère M. de Richelieu à contenir les exagérations de la droite, mais qui, croyant maintenant que le danger ne venait plus de ce côté, voyait avec défiance quelques-uns des nouveaux conseillers de la couronne, et s’inquiétait surtout de l’extension prématurée que l’on donnait aux libertés publiques.

Cette disposition, ces tendances, ces inquiétudes étaient aussi en général celles des gouvernemens étrangers. L’envoyé de Russie, M. Pozzo di Borgo, si intimement associé à la politique du duc de Richelieu, n’avait pu voir qu’avec un sentiment pénible le renversement de cette politique ; il ne dissimulait en aucune façon le regret qu’il en éprouvait, le jugement sévère qu’il portait de celle qui l’avait remplacée, et ses rapports durent contribuer à modifier les appréciations de l’empereur Alexandre, jusqu’alors si favorable à tous les développemens du principe constitutionnel. Pour se faire une idée exacte de ce qui se passait à Paris, ce souverain ne tarda pas à y envoyer son secrétaire d’état, le comte Capodistrias, homme d’un esprit élevé, de sentimens libéraux, qui avait en ce moment sa principale confiance, et dont l’influence sur la politique extérieure de la Russie dépassait de beaucoup celle du comte de Nesselrode, chef titulaire du département des affaires étrangères. Rien ne donne lieu de supposer que les informations transmises par M. Capodistrias à l’empereur Alexandre aient contredit celles du général Pozzo.

Le cabinet britannique était trop profondément imbu des doctrines du torysme pour qu’il lui fût possible d’approuver la direction nouvelle imprimée aux affaires de France. Néanmoins son ambassadeur, sir Charles Stuart, vit avec quelque complaisance la chute d’un ministère qu’il accusait de subir trop exclusivement l’ascendant de l’envoyé de Russie. Peut-être avait-il espéré d’abord que M. de Talleyrand prendrait la place de M. de Richelieu ; à son défaut, il ne tarda pas à former des rapports assez étroits avec M. Decazes. Il se vantait pourtant, dans sa correspondance avec lord Castlereagh, d’être resté complètement étranger à la crise ministérielle, bien qu’on lui eût fait entendre que la connaissance des souhaits du gouvernement britannique pourrait influer sur l’issue de cette crise, et d’avoir constamment répondu que ses instructions non-seulement lui interdisaient toute intervention semblable, mais lui recommandaient même d’éviter l’expression d’une opinion. « Peut-être, ajoutait-il, aurait-il été à désirer que tous mes collègues eussent observé la même réserve. » Ce dernier, trait était dirigé contre le général Pozzo.

La France n’était pas le seul pays qui excitât en 1819 les inquiétudes des amis de l’ordre et de la paix. L’Allemagne semblait même bien plus immédiatement menacée d’une révolution. L’exaltation des