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commander Henri IV en personne (18 août 1610). Diverses attaques furent dirigées contre la place, et un jour que Herbert et son général visitaient le point où les Français pressaient un des bastions, ils rencontrèrent Balagny qui servait comme colonel. « Monsieur, dit celui-ci, on assure que vous êtes un des plus braves de votre nation, et moi je suis Balagny, allons voir lequel fera le mieux. » En même temps il sauta dans la tranchée l’épée au poing, et l’Anglais l’y suivit sans hésiter. Ce fut à qui s’approcherait le plus du boulevard en face, et trois ou quatre cents coups de feu partirent successivement à leur adresse. « Pardieu ! monsieur, lui dit Balagny, il fait bien chaud ici. — Monsieur, répondit l’Anglais, vous vous en irez le premier, ou je ne m’en irai pas. » Il ajoute que, Balagny ayant pris bientôt le parti de se retirer assez lentement, il le suivit à petits pas. Cette bravade ne fut pas du goût du prince d’Orange ; mais l’humeur vaine et entreprenante de notre héros ne devait pas s’arrêter là. Il commença par se prendre de querelle avec lord Howard de Walden[1], qui, en revenant d’une fête où, suivant la coutume flamande, on avait bu plus que de raison, le menaça pour un mot. Un rendez-vous fut pris ; les deux champions devaient se battre à cheval avec une seule épée, et Herbert alla attendre dans un bois son adversaire, qui fut retenu par les officiers de son corps, mal satisfaits d’un duel aussi frivole en pleine guerre. Après quelques heures passées inutilement sur le terrain, il se retirait par le quartier des Français, et là, se rappelant L’épreuve à laquelle Balagny l’avait voulu mettre, il alla le trouver pour lui en proposer une autre. « J’ai entendu dire que votre maîtresse était belle et que votre écharpe était un don de sa main. Je soutiens que ma maîtresse vaut mieux qu’elle, et que je ferais pour elle plus que vous ou tout autre ne feriez pour la vôtre. » Balagny le regarda en riant, et lui proposa un défi d’un tout autre genre auprès de deux beautés moins vénérables, n’étant point d’humeur pour sa part à se battre pour si peu. Herbert répondit avec un regard assez dédaigneux que c’était parler plus en libertin qu’en chevalier, et s’éloigna pour chercher fortune ailleurs. Il crut l’avoir trouvée en rencontrant un gentilhomme du duc de Montmorency qui lui dit qu’il avait une affaire. Il offrit de lui servir de second, mais l’autre était déjà pourvu, et il rentra, ayant perdu son temps, au quartier des Anglais. Il ne lui restait qu’une ressource, et il n’y renonçait pas : c’était de pousser à bout sa querelle avec lord de Walden. En arrivant, il trouva sir Thomas

  1. Théophile, fils aîné du comte de Suffolk, chef de la sixième branche de la grande famille des Howard.