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évêque de Valence. Il était par sa mère, Renée de Clermont, neveu de Bussy d’Amboise, et il avait hérité de son oncle cette bravoure querelleuse tant admirée des beautés de la cour, et qui devait deux ans plus tard le faire tomber sous les coups du baron de Puymorin.

Herbert n’eut pour cette fois aucune affaire avec lui, et il songea bientôt à retourner en Angleterre. Il y débarqua par une tempête qui lui fournit encore l’occasion de donner quelque marque d’intrépidité, soigneusement racontée dans ses mémoires ; mais bientôt d’autres rencontres s’offrirent où il put plus utilement montrer son goût pour le péril et un courage digne du métier des armes.

En 1609, le duc de Clèves était mort sans enfans, et tout le monde, disait Henri IV, était son héritier. Cette succession divisait l’Europe. Le roi de France, allié avec l’Angleterre et la Hollande, résolut de la disputer à l’empereur, qui la prétendait par droit de dévolution, et qui déjà s’était emparé de Juliers. Les héritiers que soutenait Henri IV étaient les princes protestans marquis de brandebourg et comte palatin de Neubourg ; mais cette affaire isolée n’était pour lui que l’occasion longtemps attendue d’attaquer la maison d’Autriche, de relever ou de créer les grandes confédérations d’alliés sur lesquelles il voulait appuyer la politique de la France, et de reconstituer l’Europe libre de l’influence prépondérante qui pesait sur elle depuis Charles-Quint. Ses finances et ses armées avaient été dès longtemps préparées pour ce grand dessein, auquel s’associaient l’Angleterre, les Provinces-Unies, les puissances allemandes protestantes, plusieurs des petits états d’Italie. C’est à ce moment solennel de sa vie que le grand roi fut assassiné. On mesurerait difficilement le mal que depuis des siècles l’esprit absurde et pervers dont les Ravaillacs furent les tristes instrumens a fait à la France et au monde.

Cependant Maurice de Nassau, prince d’Orange, avait, en vertu des traités, commencé le siège de Juliers. Il attendait une armée française et un contingent de troupes anglaises. C’est à cette expédition que sir Édouard Herbert résolut de prendre part en volontaire. En arrivant devant Juliers, il trouva la place investie. Sir Édouard Cecil[1], qui avait amené les quatre mille Anglais, le reçut avec empressement dans son quartier, et l’on vit arriver bientôt le maréchal de La Chastre[2] conduisant l’armée française qu’avait dû

  1. Sir Édouard Cecil, troisième fils du comte d’Exeter et petit-fils de lord Burleigh, le ministre d’Elisabeth, était un homme de guerre distingué. Il avait pris part à la bataille de Neuport, et il fut élevé à la pairie par Charles Ier sous le titre de lord Cecil de Putney, puis de vicomte Wimbledon.
  2. Claude de La Chastre, maréchal de France depuis 1591. Il fut préféré au maréchal de Bouillon pour conduire les douze mille hommes d’infanterie et les deux mille de cavalerie réunis par Henri IV sur la frontière de Champagne. Il mourut en 1614.