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et s’habituer à parler des choses ordinaires avec une simplicité qui n’empêche pas d’en parler avec esprit.

L’éducation ne serait pas complète, si les exercices du corps étaient négligés. Lord Herbert les recommande expressément à sa postérité. Il se loue d’avoir eu de très bons maîtres, excepté pour la danse, qu’il n’a jamais eu le loisir d’apprendre. C’est pourtant par elle qu’il veut que l’on commence, en s’adressant de préférence aux excellens maîtres français. C’est du même pays que viennent aussi les meilleurs professeurs d’escrime. « J’ai, ajoute-t-il, la plus grande expérience du maniement du fleuret, il m’est arrivé aussi d’avoir à soutenir de très sérieux combats contre plusieurs personnes à la fois, et de fait je ne crois point prendre un ton de vaine gloire en disant qu’aucun homme n’a mieux su que moi se servir de son arme, et ne s’en est plus dextrement prévalu dans l’occasion. Or j’ai trouvé qu’on n’est jamais blessé que par une faute d’escrime. » Il passe ensuite à l’équitation, dont il expose les principes ; il insiste sur l’art de monter les grands chevaux, c’est-à-dire les chevaux de bataille, et de se battre ainsi en duel et en guerre[1]. Il montre sur tous ces points des connaissances techniques qu’il avait puisées au manège du connétable de Montmorency. En cette matière, il ne condamne que les courses de chevaux. C’est, dit-il, l’occasion de beaucoup de friponneries. Et quel plaisir peut faire à un homme de cœur un animal dont le principal usage est de servir à s’enfuir au plus vite ? Il n’aime pas beaucoup non plus les chevaux de chasse. La chasse est un divertissement qui fait perdre trop de temps. Aussi ne permet-il tout au plus que la chasse au faucon, parce qu’elle finit plus vite. Quant au jeu, il tolère les boules, mais il interdit sans réserve les cartes et les dés.

Ce système de pédagogie nous fait connaître notre auteur, ses préjugés et ses lumières, ses goûts et ses principes : savant et cavalier ; moraliste et duelliste, d’un esprit libre et sérieux, hardi et sensé, réunissant le point d’honneur du gentilhomme à l’orgueil du philosophe, courtisan sans bassesse, soldat sans rudesse, assez pédant encore que novateur, mêlant, comme dit Horace Walpole, un peu de don Quixote à quelque chose de Platon.

  1. C’était la haute école du temps. Les chevaliers étaient dans l’usage de monter, dans les marches de guerre, des chevaux de petite taille, ou ce qu’on appellerait aujourd’hui des poneys. Ils avaient, pour combattre avec leur armure complète, des chevaux de haute taille qu’ils montaient au moment de l’action. De là l’expression monter sur ses grands chevaux.