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Or que tu nais dessus notre horizon.
Je veux mon luth monter d’une nuance
Pour haut sonner cette sainte chanson,
Terre d’où prit la vérité naissance.


Le dernier vers revient à chaque strophe, et souvent les auteurs enchâssaient, à l’aide d’un jeu de mots, leur nom dans ce refrain ; ainsi Gabriel Briet prenait pour ritournelle de son chant royal en l’honneur de la Vierge :

Belle à l’abri, et partout toute belle,


tandis que M. des Amourettes finissait chaque strophe par ce vers :


Vierge, aux humains la porte d’amour estes.


On aurait tort du reste de se montrer sévère pour ces sortes de compositions ; les bonnes gens dont elles charmaient les loisirs en faisaient avant tout une affaire de piété. La ballade ou le chant royal n’était pour eux qu’une forme harmonieuse de la prière, et le titre de confrère leur était plus glorieux encore que le titre de poète.

Les détails qu’on vient de lire confirment pleinement, nous le pensons, ce que nous avons dit sur les deux grandes écoles littéraires qui se partagent le moyen âge. Les questions de forme et de goût, qui semblent dominer aux grandes époques de civilisation, n’occupent dans le passé qu’une place tout à fait secondaire ; les vieux écrivains ne s’inquiètent que de l’idée, et ils n’ont pour ainsi dire que deux sources d’inspiration : le sarcasme ou la piété. Ils ne s’adressent point à telle ou telle classe de la société, aux lettrés et aux savans plutôt qu’aux bourgeois et aux gens de métier ; ils s’adressent à tout le monde et sont compris de tous, parce que l’art pour eux n’est qu’une étude en quelque sorte toute matérielle de la vie de chacun. Dans les théâtres, ils reproduisent sous la forme la plus vulgaire, mais avec une incontestable puissance d’observation, les scènes qui se passent sous leurs yeux, et dans les confréries ils se bornent à paraphraser les prières que les fidèles répètent chaque jour. C’est là précisément ce qui fait, au point de vue historique, l’incontestable valeur de cette littérature, car elle offre, par les documens contemporains eux-mêmes, le tableau des mœurs et des idées.


CH. LOUANDRE.


LES CHANTS DE LA VIE, cycle choral, par M. G. Kastner[1]. — La musique chorale, particulièrement le chant en chœur pour voix d’hommes, a pris depuis longtemps en Allemagne une extension considérable. Aujourd’hui, grâce au créateur de l’Orphéon, Wilhem, et de ses continuateurs, cette forme de l’art musical tend à s’acclimater en France, et tous ceux qui s’intéressent à la moralisation des classes populaires doivent souhaiter que l’impulsion donnée par Wilhem se continue. Le livre de M. Kastner doit être compté parmi les publications les plus propres à favoriser ce mouvement. L’auteur a voulu d’une part démontrer par de nombreux exemples l’influence bienfaisante que peut exercer le chant choral, de l’autre il a posé les principes de ce chant, que l’on trouve en même temps appliqués dans une suite de compositions musicales. L’histoire des sociétés de chanteurs au-delà du Rhin

  1. Un volume in-4o, chez Brandus.