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pensée, des hautes conceptions, et par un bonheur singulier l’exécution chez lui est toujours à la hauteur de l’idée. Si donc la Jeanne d’Arc à Reims est marquée au coin de l’idéal, elle est aussi vivante, vraie et hautement historique. La nouvelle œuvre de M. Ingres sera bientôt connue du public, mais or peut dès aujourd’hui signaler l’esprit dans lequel elle a été conçue. Protestation, c’est ainsi qu’elle se nomme, protestation contre un poème qu’il faudrait effacer de notre littérature, protestation contre la cruelle indifférence de l’art national. Elle est écrite par une main puissante, sous l’inspiration d’une âme pleine encore de feu et de jeunesse. C’est une des nombreuses manifestations de la même idée ou plutôt du même culte. Les grandes pensées viennent du cœur, a-t-on dit ; c’est de là que viennent aussi les grands talens. Les arts peuvent donner des leçons aux peuples et aux rois, car leur morale est attrayante et saisissable. L’auteur de cette apothéose de Jeanne d’Arc croit fermement que c’est par le beau que l’on remonte à Dieu.

ERNEST VINET.




À une époque où tant de plumes indiscrètes portent le trouble et multiplient les chances d’erreur dans le domaine de la critique, n’est-ce pas protester indirectement contre cet oubli trop fréquent des convenances littéraires que d’adresser à un vrai poète des paroles empreintes de cet affectueux intérêt qu’il appartient à certains talens de faire naître, et qu’il ne sied jamais de leur refuser ? Quand les attaques ne se produisent pas seulement en France, quand elles trouvent des plumes françaises pour les aggraver en les propageant dans des journaux étrangers, on sent plus vivement encore ce besoin de protester, en opposant à d’injustifiables allégations l’expression d’une sympathie sincère. C’est ce sentiment qui nous semble avoir dicté les stances qu’on va lire, et on comprendra que la Revue aime à s’y associer.

V. DE MARS.


À M. ALFRED DE MUSSET.

L’autre jour, à l’heure où se lève
L’aube que le matin soulève,
À l’heure où le jeune printemps
Avec amour répand la sève,
Je nie promenais dans les champs.

J’allais, rêvant ma rêverie.
Dans l’herbe mouillée et fleurie ;
Déjà le soleil égayait
La verdure de la prairie.
Et la nature souriait.

Près de l’aubépine vermeille,
L’oiseau que l’aurore réveille
Chantait sur le bord de son nid,
Et çà et là la jaune abeille
Cherchait son miel que Dieu bénit.