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productions les plus parfaites de la latinité moderne dans une brochure de deux cents pages dont le couteau d’ivoire n’avait pas même entamé les feuillets. Cette brochure renferme, avec des notes françaises, un petit poème intitulé Vita scholastica, dont la dédicace, adressée à M. Boissonnade, est signée Joannes Petrus Rossignol, qui aujourd’hui peut ajouter à son nom le titre de Socius Academiæ inscriptionum, qu’il donnait en 1836 à M. Boissonnade, en l’appelant avec raison vir eleganti ingenio, omni doctrina ornatissimus. Dans une note qui vaut mieux que bien des préfaces, M. Rossignol explique les motifs qui l’ont décidé à faire un poème latin, malgré le discrédit général où sont tombées ces sortes de compositions. Ce n’est point, dit-il, pour plaire à l’Université, ce n’est point non plus par tendresse pour des souvenirs de collège, car le collège a pour lui trop de beaux jours perdus ou mal employés, trop de gêne et d’entraves, trop de mouvemens généreux durement refoulés, trop de riantes illusions impitoyablement détruites. Il est d’ailleurs de ceux qui ont foi dans l’avenir, et qui se précipitent plus volontiers vers l’embouchure du fleuve qu’ils ne remontent à sa source. Laissant de côté cette sentimentalité banale qui s’attendrit sur les premières études et les premières amours, M. Rossignol a voulu essayer son imagination sur un sujet très simple, s’initier au culte de la forme antique, et réfléchir dans une sorte de mirage poétique les souvenirs classiques de ses études. Il a donc écrit son petit poème en se conformant de tout point aux préceptes de Quintilien et d’Horace et en s’inspirant, pour le style, des écrivains antérieurs à Ovide. Nous ajouterons qu’il s’en est inspiré avec un rare bonheur ; la Vie de collège est, avec la charmante pièce des Marionnettes d’Addison, l’une des œuvres les plus savamment et les plus ingénieusement latines qui aient été écrites dans l’époque moderne ; si Boileau avait connu ce poème, il eût été forcé de convenir que les langues mortes ressuscitent quelquefois. La Vie de collège est divisée en quatre chants : le Sommeil, l’Etude, la Récréation, le Dîner, — voilà tout le poème. Il était difficile, on le voit, de choisir un sujet plus simple, mais en même temps il était difficile de le traiter avec plus d’atticisme ; et cette œuvre, tout à fait exceptionnelle, montre que la Gaule, au XIXe siècle, peut encore réclamer justement pour un de ses fils le droit de cité romaine.

Les odes latines de M. Guichon de Grandpont, employé supérieur du ministère de la marine, nous transportent dans un monde bien différent de celui que nous a révélé M. Rossignol. Il ne s’agit plus des tintemens pacifiques de la cloche d’étude, mais du branle-bas terrible des combats maritimes.

Sicelides musæ, paulo majora canamus.

Sous le titre de Gloriæ navales[1] odæ, M. Guichon de Grandpont a célébré les marins français sur tous les modes lyriques de l’antiquité, c’est-à-dire en vers adoniques, saphiques, alcaïques, choraïques, iambiques, pythiens, archiloquiens, etc. « La patience, dit-il dans sa préface, étant une des vertus les plus essentielles à un administrateur de la marine, je prends acte en passant qu’à défaut d’un talent supérieur, j’aurai du moins exercé

  1. Brest, Lefournier, 1853, in-12.