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1823 à 1835, le nombre des établissemens de cette nature avait atteint le chiffre de quatorze ; on en compte maintenant, au Bengale et dans les provinces du nord-ouest, plus de quarante.

Le principe dominant ou l’esprit des institutions fondées ou protégées par le gouvernement jusqu’en 1835 avait été de développer l’intelligence et l’instruction des masses à l’aide d’ouvrages anglais traduits en arabe et en sanscrit, ces deux langues classiques de l’Orient, en sorte que, dans ce système, il était indispensable que les indigènes, avant d’être initiés à la littérature et au savoir européen, devinssent des orientalistes. Les sources auxquelles il fallait, dans cet ordre d’idées, aller puiser les notions premières, fondamentales, étaient placées dans des régions que la science moderne a dû abandonner. Un temps précieux était inévitablement perdu dans des études stériles, souvent nuisibles ; la coopération utile et progressive des Hindoustanys à l’administration intérieure du pays ne pouvait se réaliser que dans des conditions plus simples, plus directes, plus pratiques. Il fallut donc renoncer à atteindre le but par l’enseignement préalable des langues indigènes, et ce fut, comme nous l’avons indiqué, le 7 mars 1835 que le gouvernement de l’Inde publia une ordonnance substituant l’éducation directe par l’intermédiaire de la langue anglaise à l’éducation par l’enseignement préalable des langues orientales. Les grands établissemens destinés à soutenir et encourager l’étude scientifique de ces langues ont cependant été maintenus, mais ils ont été modifiés par l’addition de diverses classes anglaises.

Ce nouveau plan paraît avoir complètement réussi dans son ensemble, et les connaissances exactes et utiles se répandent avec une facilité remarquable dans les régions moyennes et supérieures de la société hindoustany, mais elles rencontrent de très grands obstacles dans les masses. Ces obstacles sont plus difficiles à vaincre au Bengale qu’ailleurs, et cela par une cause qui relève essentiellement.de l’économie politique et qu’il est intéressant de signaler. Le pauvre cultivateur est placé au Bengale dans une condition relativement inférieure, par suite du perpetual settlement qui garantit aux grands propriétaires l’exercice du despotisme territorial à l’égard de leurs humbles dépendans, et les laisse jouir seuls à tout jamais, au moins en principe, de l’augmentation de revenu qui résulte ou pourra résulter de l’amélioration des cultures. Il en est advenu que la classe inférieure au Bengale, ayant perdu tout droit, pour ainsi dire, à la petite propriété et aux espérances qu’entretient et avive dans l’homme la possession du moindre coin de terre, est retombée dans l’apathie qui forme un des traits distinctifs du caractère bengali. À quoi pourraient lui servir quelques notions précises d’arithmétique, de géométrie, des institutions anglaises dans l’Inde, et conséquemment