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en tournoyant : l’outarde a les ailes brisées. Son vainqueur la tient sous lui pour que seule, disent les Arabes, elle subisse le choc de cette effroyable chute et l’en préserve.

Ces jeux violens façonnent la noblesse aux travaux de la guerre et de la razzia. Une caravane a-t-elle été pillée, les femmes de la tribu ont-elles été insultées, lui conteste-t-on l’eau et les pâturages ; les chefs se réunissent, la guerre est décidée. On écrit à tous les chefs des tribus alliées, et tous arrivent au jour indiqué avec leurs goums et leurs fantassins. On se jure solennellement, au nom d’un marabout vénéré, de se prêter mutuelle assistance et de ne faire qu’un seul et même fusil. Le lendemain, sans plus tarder, tout s’ébranle et se met en mouvement, y compris les femmes, montées sur les chameaux, dans des palanquins qui ne sont pas toujours assez discrètement fermés. C’est un pêle-mêle pittoresque de chevaux, de guerriers, de fantassins faisant bande à part. Sur les flancs de la colonne, les jeunes gens les plus ardens s’éparpillent en éclaireurs ou plutôt en chasseurs, car part-il une gazelle, une antilope, une autruche ou même un lièvre, les voici s’élançant à la suite de leurs lévriers, et plus d’un audacieux saura, profitant du désordre, se glisser auprès d’un palanquin où il est attendu, y monter avec l’aide d’un serviteur bien payé, pour n’en redescendre qu’à la nuit, à la première halte.

De son côté, la tribu ennemie fait ses préparatifs ; après quatre ou cinq jours de marche, les partis sont en présence. Les éclaireurs se rencontrent les premiers et commencent les hostilités par des injures comme les héros d’Homère ; peu à peu le combat s’engage par petites bandes de quinze ou vingt, et bientôt tout s’anime et s’ébranle. La mêlée devient générale : tous les fusils partent à la fois, toutes les bouches se provoquent par des cris et des imprécations, et l’on s’attaque enfin corps à corps à coups de sabre.

L’heure est venue cependant où celle des deux tribus qui a perdu le plus d’hommes, de chefs surtout et de chevaux, est obligée de plier et de se rabattre sur son camp. C’est un sauve-qui-peut désordonné où les plus braves font encore de temps en temps volte-face pour tirer à l’ennemi quelques balles perdues. Il n’est pas rare alors que le chef s’élance en désespéré, le sabre au poing, dans la mêlée, et tombe glorieusement frappé. Après la victoire le pillage : l’un dépouille un fantassin, l’autre un cavalier renversé ; celui-ci dispute à celui-là un cheval, à cet autre un nègre, un beau fusil, un yatagan de prix, et grâce à ce désordre, plus d’un vaincu pourra sauver ses femmes, ses chevaux, ses objets les plus précieux.

À la rentrée sur son territoire, la tribu est accueillie par une fête