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écrire, ce qui est une innovation chez les djouads. Autrefois le marabout seul pratiquait la culture des lettres. L’homme d’épée, comme nos barons du moyen âge, avait tout savoir en mépris : il lui semblait qu’en cultivant son esprit, on portait une atteinte à l’énergie de son cœur ; mais depuis qu’ils ont vu chez les derniers de nos soldats des connaissances qui laissent intacte la bravoure, les Arabes ont changé de pensée ; puis ceux qui ont pris le parti de nous servir se sont aperçus que l’instruction était un titre à nos faveurs. Nombre d’entre eux enfin se sont dit avec une résignation mélancolique ces paroles que j’ai recueillies un jour : « Autrefois nous pouvions vivre avec l’ignorance, car le calme et le bonheur étaient parmi nous ; mais dans ces temps de perturbation que nous sommes obligés de traverser, il faut que la science nous vienne en aide. » Ainsi notre influence accomplit lentement jusqu’au sein du désert cette œuvre civilisatrices dont on parle parmi nous quelquefois avec trop de découragement, quelquefois avec trop de légèreté.

La culture des lettres ne fait point négliger dans l’éducation arabe l’exercice du cheval ni le maniement des armes. Aussitôt qu’un enfant peut se tenir sur un coursier, on lui fait monter des poulains d’abord, puis des chevaux. Quand il commence à se former, on à mène à la chasse, on le fait tirer à la cible, on lui apprend à enfoncer la lance dans les flancs du sanglier. Lorsqu’il atteint seize ou dix-huit ans, lorsqu’il connaît le Coran et peut pratiquer le jeûne, on le marie. Le prophète a dit : « Mariez-vous jeunes ; le mariage dompte le regard de l’homme et règle la conduite de la femme. »

Jusqu’à cette époque, la tendresse paternelle a veillé sur la pureté de ses mœurs avec une vigilance de tous les instans. On ne l’a jamais laissé seul ; un précepteur ou des domestiques ont toujours accompagné ses pas. On a écarté de lui les hommes d’une vie dissolue et les femmes d’une conduite abandonnée. Il doit apporter à celle qu’on lui donne pour compagne un corps robuste et une âme où la souillure ne soit jamais entrée. On lui choisit une jeune fille d’une naissance égale à la sienne, d’une réputation intacte, et, s’il se peut, d’une grande beauté. Ce sont les femmes de sa famille qui s’assurent de ce point. On leur permet un examen dans les tentes où résident les filles à marier. On le fiance d’abord, et puis les noces ont lieu.

Le premier jour de ces fêtes, qui, semblables à celles de la naissance, ont une longue durée, est le jour de l’enlèvement (nhar refonde). Quatre ou cinq cent cavaliers magnifiquement vêtus, montés sur leurs plus beaux chevaux, munis de leurs armes les plus précieuses et conduits par les parens de l’épouse, se rendent à la tente de l’épousée. Des femmes voilées montées sur des chameaux et sur des