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qui viennent produire au grand jour les secrètes misères de l’intérieur conjugal ; mais la femme du peuple, lorsqu’elle réclame les conséquences du mariage, est persuadée qu’elle est armée d’un droit, qu’elle obéit à un devoir, et se présente avec l’intrépidité que lui donne la conscience d’être sous la double protection de la religion et de la loi.

La première vertu d’un chef, c’est la patience. Celui que viennent assaillir ces réclamations diverses prête à chacun une oreille attentive. Il s’étudie à guérir les plaies de toute nature qu’on lui découvre. « L’homme qui est au pouvoir, dit une sentence orientale, doit imiter le médecin, qui n’applique pas à tous les mêmes remèdes. » Dans ces lits de justice, qui rappellent la manière primitive dont nos anciens rois traitaient les intérêts privés de leurs sujets, le chef arabe emploie tout ce que Dieu a mis de sagesse dans son intelligence et de force dans sa volonté. Aux uns il donne des ordres, aux autres des conseils. Il n’est personne à qui il refuse ou ses lumières ou son appui.

Le chef arabe n’a pas seulement besoin de la qualité que Salomon demandait au Seigneur ; il faut qu’à la sagesse il réunisse la générosité et la bravoure. Le plus grand éloge qu’on puisse faire de lui, c’est de dire qu’il a « le sabre toujours tiré, la main toujours ouverte. » Cette charité un peu fastueuse, mais d’un caractère noble et touchant toutefois, dont la loi musulmane fait une obligation à tous les croyans, il faut qu’il la pratique sans cesse. Sa tente doit être le refuge des malheureux, nul ne doit mourir de faim auprès de lui, car le prophète a dit :


« Dieu n’accordera sa miséricorde qu’aux miséricordieux. Croyans, faites l’aumône, ne fût-ce que de la moitié d’une datte. Qui fait l’aumône aujourd’hui sera rassasié demain. »


Si le guerrier a perdu le cheval qui faisait sa force, si une famille s’est vu enlever les troupeaux qui la faisaient vivre, c’est au chef, toujours au chef, qu’on s’adresse. Le désir du gain ne doit jamais être une préoccupation de son esprit. Le noble arabe, qui, sous tant de rapports, rappelle le seigneur du moyen âge, diffère essentiellement de nos chevaliers par son aversion pour le jeu. Jamais les dés ni les cartes ne charment les loisirs de la tente. Un chef arabe ne peut ni jouer ni faire des prêts usuraires. La seule manière dont il fasse valoir quelquefois son argent, c’est une participation indirecte à une entreprise commerciale. Il donne à un marchand une somme, le marchand trafique, puis, au bout de quelques années, partage avec son prêteur les bénéfices qu’il a recueillis.

Il ne faut pas croire toutefois que la richesse soit en mépris chez