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Je m’étais avancé sans bruit tout près de la vieille fille. — Nanette, lui dis-je d’une voix tout émue, au nom du ciel, comment se porte… Elle tourna la tête et se leva brusquement en me jetant des regards furieux. — Ah ! le voilà revenu, s’écria-t-elle, ce mauvais sujet, ce brigand ! Le voilà, cet enjôleur qui a vendu son âme au diable !
Je crus qu’elle était folle. — Qu’avez-vous ? fis-je ; serait-il arrivé quelque chose dans la maison ?
— Oui, oui, me répondit-elle avec encore plus de colère ; fais l’hypocrite, va, on te connaît maintenant. Qu’avais-tu à faire chez nous ? Qui t’avait prié d’y venir ? Ne pouvais-tu pas laisser les chrétiens tranquilles ? Voyez la sainte n’y touche ; tu n’as peut-être pas vendu ton âme au diable ? Oseras-tu dire que non ? Ne t’a-t-on pas entendu causer toute une nuit avec lui dans ta chambre ? Sûr qu’il te réclamait ton âme, et que toi tu ne voulais pas encore la lui donner. Ne l’a-t-on pas vu travailler à notre vigne ? Diras-tu que ce n’est pas toi qui l’y as envoyé ? Nous feras-tu croire que cette pauvre demoiselle aurait aimé un brûleur de buis[1], un mangeur de gaudes comme
- ↑ Les pauvres gens se chauffent à Salins au moyen de buis qu’ils vont couper dans les communaux de la ville. Brûleur de buis et mangeur de gaudes (bouillie de maïs) sont des termes de mépris.