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du ciel, se trouva justement être du pays et même une ancienne amie de ma tante. Comme j’étais hors d’état de répondre à ce qu’elle me demandait, elle chercha dans mes papiers et apprit ainsi mon nom et mon lieu de naissance. Je restai bien des jours entre la vie et la mort. Tout ce que je me rappelle, c’est qu’un soir il me sembla entendre bourdonner autour de mon lit des voix connues. Je fis un effort pour ouvrir les yeux, et je parvins à reconnaître ma tante et ma cousine Pierrette. La dame de l’auberge avait écrit dès le premier jour à ma tante, qui n’avait pas perdu de temps. — C’est nous, Jean-Denis, me dit-elle, ne nous reconnais-tu pas ? — Je lui serrai la main, mais sans pouvoir parler. Ce ne fut qu’après bien des jours que la connaissance me revint entièrement. En cherchant autour de moi, je ne trouvai plus ma tante. Je demandai à Pierrette où elle était ; elle me répondit qu’il lui avait fallu retourner vers ses autres enfans et qu’elle était partie depuis un jour ou deux. — Et Mlle Élisa, lui dis-je, que fait-elle ? comment se porte-t-elle ? — Ma cousine n’avait pas prévu la question : elle se troubla, balbutia ; cela me donna des soupçons. Pierrette eut beau me dire qu’elle l’avait laissée en bonne santé et qu’elle n’en avait rien appris depuis ; je persistai à croire qu’elle me cachait quelque chose.

— Sûr qu’elle est malade ! m’écriai-je, ou bien peut-être s’est-elle mariée ? Aie pitié de ton pauvre cousin, Pierrette ; voyons, parle, qu’y a-t-il ?

Comme elle ne me répondait pas tout de suite : — Pourquoi ne m’avoir pas laissé mourir ? dis-je avec découragement. Je serais maintenant délivré de tous mes maux !

Ma cousine se mit alors à me parler du bon Dieu en m’en gageant à lui offrir mes peines. Cela me rafraîchit de l’entendre ; tout en restant de plus en plus persuadé que je devais m’attendre encore à quelque malheur, je me sentis plus de courage que je n’en avais eu depuis bien longtemps.

Au bout de douze ou quinze jours, je me trouvai en état de supporter le voyage pour revenir au pays. Il commençait à faire nuit quand notre voiture arriva à la ville ; les vignerons revenaient du travail. On s’attroupa autour de nous ; les femmes sortirent sur les portes ; les enfans me regardèrent sous le nez ; j’aurais voulu avoir cent pieds de terre sur le corps. Comme je montais mon escalier, appuyé sur le bras de ma cousine, je rencontrai le médecin qui descendait. — Je te le disais bien, m’écriai-je, elle est malade, j’en suis sûr ! — Pierrette m’assura que le médecin était venu pour Nanette ; je fis semblant de le croire, je cherchais à me faire encore illusion. Ma tante passa la soirée avec moi ; je n’osai pas la questionner sur la santé de Mlle Élisa.