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pesait sur lui. Si, au contraire, le roi Othon quittait Athènes, l’Europe occidentale saurait qu’elle avait en lui un ennemi. M. Drouyn de Lhuys attendait aussi un autre effet salutaire de l’apparition des troupes françaises dans la capitale de la Grèce. Ceux des Hellènes qui, comme la population maritime d’Hydra, désapprouvaient la marche actuelle du gouvernement pourraient manifester leur mécontentement, et tous les hommes intelligens, tous les amis de l’ordre et du développement pacifique de la Grèce auraient alors un point de ralliement et feraient compter leur opinion. Ces considérations prévoyantes et modérées furent approuvées par le gouvernement anglais. Une brigade de la division Forey fut débarquée au Pirée. On sait le reste[1].

C’est ainsi que la sollicitude et la fermeté de la France et de l’Angleterre ont enfin sauvé la Grèce, l’ont arrachée à l’influence des intrigues russes et l’ont réunie encore à l’Occident. Le roi Othon a été délivré des conséquences d’une politique qui n’allait à rien moins qu’à la dissolution de la Grèce et au renversement de son trône. Un ministère composé des hommes les plus éclairés et les plus énergiques, ayant à sa tête la plus grande illustration survivante du pays, va faire rentrer la Grèce dans la sincérité de ses institutions, dans la voie d’ordre, de probité, de bonne administration qui peut seule justifier ses espérances et la conduire à l’avenir auquel elle a raisonnablement le droit d’aspirer. Pour la première fois depuis l’indépendance, les deux influences de la France et de l’Angleterre vont se trouver rapprochées pour guider et maintenir la Grèce dans une politique honnête, libérale, prévoyante et féconde. Que la Grèce répare donc promptement les maux que vient de lui infliger une année de désordres et oublie les blessures qui ont pu être faites à son amour-propre égaré par des chimères. Les services que peut lui rendre l’alliance anglo-française à Athènes la dédommageront richement de quelques souffrances passagères. Les Grecs, avec leur perspicacité naturelle, doivent avoir déjà compris tout ce qu’ils gagneront à un ordre de choses si heureux et si nouveau, et ils doivent bien savoir qu’il n’y a eu de vaincu, le jour où nos soldats sont débarqués au Pirée, que la Russie.


EUGENE FORCADE.

  1. Lord Cowley to the earl of Clarendon. Corresp., no 231.