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connivence du gouvernement avec le mouvement d’invasion. On ne garda bientôt plus aucun ménagement. Toutes les nuits, des détachemens de soldats commandés par des chefs connus quittaient Athènes sans que le gouvernement cherchât à empêcher la désertion, même par une simple proclamation publique. Les jeunes gens qui se disposaient à partir comme volontaires étaient instruits à Athènes par des sous-officiers de l’armée. Les évadés de Chalcis entraient en Thessalie sans qu’aucun fonctionnaire eût cherché, malgré les ordres illusoires du ministre de l’intérieur, à les arrêter dans leur marche. D’autres prisons s’ouvraient aux condamnés. Les officiers partis pour les provinces turques conservèrent leurs traitemens, quoiqu’ils eussent donné ostensiblement leurs démissions, ce qui réduisait ces prétendues démissions à des congés illimités. Plus tard même, les Grecs engagés dans l’insurrection furent menacés, s’ils rentraient en Grèce, d’être traités comme déserteurs et poursuivis devant les tribunaux. À la suite d’un combat près de la frontière, entre des Albanais et des insurgés, ceux-ci ayant eu le dessous, le colonel Skolodimos, qui commandait un corps de troupes royales près de là, entra sur le territoire turc, pour venir au secours des insurgés, commandés par son parent, Karaiskakis. M. Païcos eut l’audace d’attribuer cet acte d’agression aux Turcs, et de les accuser, dans des notes adressées à ce sujet au ministre ottoman et aux puissances, d’avoir violé le territoire grec. Les faits furent vérifiés, et il fut prouvé que l’assertion de M. Païcos était justement le contraire de la vérité. Enfin quand la Porte, poussée à bout, demanda au gouvernement grec de rappeler les officiers émigrés, de punir les officiers qui avaient laissé échapper les condamnés pour en faire les auxiliaires de l’insurrection, de destituer les professeurs qui excitaient les étudians à s’enrôler contre les Turcs, de blâmer le langage agressif et outrageant des journaux contre la Turquie, de dissoudre les comités des hétairies, — le gouvernement grec se joua de ces justes réclamations par les assertions les plus notoirement mensongères, et refusa de donner une seule satisfaction. Ce refus mit la Turquie dans la nécessité de rompre ses relations diplomatiques avec la Grèce.

Quant au sort des entreprises fomentées et conduites par la Grèce dans l’Epire, la Thessalie et la Macédoine, il est connu, et cette guerre déloyale n’a présenté aucun incident digne d’intéresser la curiosité et de laisser un souvenir dans l’histoire. Les seuls résultats de la lutte ont été la dévastation et la désolation des districts insurgé, l’échec honteux des meneurs de l’agression, l’anarchie un moment déchaînée sur la Grèce, et qui n’a pu être comprimée que par l’intervention militaire de la France et de l’Angleterre.

Les habitans des provinces où les Grecs sont venus apporter