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Hadgi Petro, le professeur Pilarinos, connu pour ses relations confidentielles avec M. Metaxa, qui était alors ministre de Grèce à Constantinople. Le plan de campagne fut convenu entre ces meneurs. On agirait avec le consentement et la participation du gouvernement, mais de manière à ne pas compromettre le roi, qui, aux yeux des puissances protectrices, aurait l’air d’avoir la main forcée. Les affiliés d’Épire et de Thessalie avaient nettement déclaré aux émissaires de la grande idée qu’ils ne se lèveraient qu’autant qu’ils seraient assurés de recevoir des secours sérieux et réguliers ; on résolut en conséquence de travailler l’armée et de provoquer soldats et officiers à la désertion. On savait déjà que plusieurs officiers, autorisés par le gouvernement, étaient décidés à quitter leur drapeau et à entrer dans le mouvement. L’envoyé de Russie, M. Persiani, affectait de se tenir à l’écart de ces manœuvres ; mais le consul russe, M. Paparigopoulo, les encourageait hautement. « Attendez, disait-il, que le premier coup de canon soit tiré, et rendez-nous le service d’opérer une diversion du côté de la Roumélie. À la paix, l’empereur n’oubliera pas la Grèce. »

Ce fut alors que les écrivains du siècle jetèrent avec un délire d’énergumènes le cri de l’insurrection. Pour donner une idée de la violence incendiaire et de la ridicule emphase de ces provocations avec lesquelles on allait agiter les masses, il faut citer un des articles du poète Panaghioti Soutzo. Voici les termes dans lesquels ce furibond rédacteur du Siècle proférait l’appel aux armes :


« Hellènes !

« On a levé, on a levé comme enseigne la tunique odieuse et déchirée du faux prophète, et on marche enivré contre nos frères les Russes !

« Levons, nous aussi, ô Hellènes, le labarum du grand Constantin, et accourons où notre héritage nous attend, et où nous appellent nos coreligionnaires enfans de Vladimir et d’Olga !

« Gagnons les montagnes et marchons, nous aussi, vers Constantinople, qui seule vaut plus que dix royaumes de Grèce, et qui seule offre un revenu annuel de 300 millions de drachmes. Faisons-nous les gardiens de l’Europe et de l’Asie, et tenons les clés de la Mer-Noire et de l’Archipel.

« Comme un mortier de bronze échauffé vomit des boulets petits et grands, des clés, des chaînes et des matières combustibles, qui coupent les rangs ennemis et consument tout ce qu’elles touchent, montre-toi aussi, ô Grèce, un grand mortier vomissant sur la Thessalie, sur l’Epire et sur la Macédoine des soldats, des généraux, des combattans, des marins, des hommes éloquens et politiques, et partout où un Grec se montre, qu’il fasse un carnage dans l’armée turque ; partout où un Grec se jette, qu’il fasse un incendie !

« Prenez de nouveau vos armes, ô Grecs, au premier son du canon des armées orthodoxes du grand Nicolas. Prenez ces armes avec lesquelles vous