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étrangement mêlées de pusillanimité et de témérité, ont inspiré toute la politique du gouvernement grec et du roi Othon. Quelques fonctionnaires n’attendirent même pas que la guerre fût déclarée pour mettre en œuvre cette politique, à laquelle la Russie s’empressa de s’associer.

Par exemple, dès le commencement du mois de juin 1853, le consul grec à Trieste ouvrit parmi les résidens grecs de cette ville une souscription dans la pensée de fournir de l’argent, des armes et des munitions à leurs coreligionnaires de Turquie[1]. On dit que la reine Amélie, qui à cette époque passa par Trieste pour se rendre en Allemagne, ne fut point étrangère à la pensée de cette souscription. Dans tous les cas, le gouvernement ne dissimula point son approbation, et nomma le consul commandeur de l’ordre du Sauveur. Le ministre grec à Saint-Pétersbourg, M. Zographos, écrivait à Athènes, au mois de septembre, que, si la Russie faisait la guerre à la Turquie, l’empereur Nicolas verrait sans regret la Grèce y prendre part et lui assurerait à la paix les territoires dont elle aurait pu s’emparer. L’ancien consul grec à Bucharest, auquel la Porte avait été obligée de retirer l’exequatur à cause de ses menées, et qui était resté en Valachie, avait des conférences avec le général Gortchakof, dont il rendait compte à son gouvernement, et promettait de la part du général russe des plans militaires quand le moment d’agir serait venu. L’empereur de Russie faisait distribuer dans les églises grecques un grand nombre d’ornemens sacerdotaux. Le chapelain de la légation russe, qui venait d’être sacré archimandrite par des évêques grecs, parcourait le Péloponèse[2]. Un agent russe, M. Mano, Grec de Valachie, ancien compagnon du malheureux Ypsilanti, qu’il avait abandonné, arrivait à Athènes ; il confirmait les promesses faites à M. Zographos, et assistait à de nombreux conciliabules auxquels prenaient part des officiers de l’armée, des fonctionnaires, et où l’on voyait, parmi les meneurs les plus exaltés, le préfet de police, M. Tissaminos.

Toutes ces menées éclatèrent au grand jour, quand on apprit, au commencement d’octobre, l’échec des propositions d’Olmütz et la déclaration de guerre de la Porte à la Russie. Ce fut le moment que le gouvernement grec choisit pour élever le général Tzavellas, considéré comme le chef de la secte de la grande idée, au grade de général de division. Les comités organisés à Athènes travaillèrent ouvertement à préparer l’insurrection. Ils avaient à leur tête le préfet d’Athènes, M. Lapani, le préfet de police, M. Tissaminos, le général

  1. M. Wyse to the earl of Clarendon. Corresp., no 22, 24.
  2. M. Wyse to the earl of Clarendon. Corresp., no 31.