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que du palais. Coletti, envers qui la chambre des députés essayait un jour de se montrer récalcitrante, répondait en se riant à ses adversaires : « Je n’ai pas la confiance de la chambre, c’est vrai ; mais la chambre a ma confiance, donc je reste au pouvoir. » Cette chambre ne joue par conséquent aucun rôle politique. Les députés ne s’occupent guère que de questions personnelles, de leurs affaires et de celles de leurs partisans, de nominations d’employés, de concessions de terres, etc. Quant aux affaires sérieuses du pays, elles sont traitées avec une scandaleuse négligence. Jamais depuis 1843 le budget grec n’a été discuté en temps utile. Les chambres, depuis qu’elles existent, n’ont pas vérifié une seule loi des comptes. Leur unique souci est de prolonger les sessions et d’abréger le plus possible la prorogation, c’est-à-dire l’intervalle de temps pendant lequel le traitement des députés cesse de courir. Aussi est-il très rare que les vacances parlementaires durent plus d’un mois. La permanence du parlement engourdit les ressorts de l’administration. L’application exclusive de ses membres à leurs intérêts particuliers encourage les prévarications des fonctionnaires. Le désordre est partout ; on le retrouve si uniformément dans toutes les classes et à tous les degrés de l’administration, les habitudes de gaspillage et de malversation sont si générales, que personne ne songe plus à s’en étonner. L’improbité est devenue une chose toute naturelle ; l’honnêteté seule a droit de surprendre comme une exception singulière, comme une sorte d’originalité excentrique.

On voit par ce tableau, malheureusement trop vrai, que la révolution de 1843 n’a fait que mettre plus en relief les vices du caractère grec, et qu’elle a laissé toute la réalité du pouvoir entre les mains de la royauté. Il serait cependant injuste d’attribuer au roi Othon la responsabilité de ces déplorables résultats. L’opinion a été trop sévère pour ce prince : malgré les erreurs récentes de sa politique, nous ne voulons point méconnaître ses sérieuses qualités. Le roi Othon est supérieur à la réputation qu’on lui a faite. Il n’a point, il est vrai, l’esprit étendu et brillant, mais il a les mérites solides qui manquent trop souvent aux natures plus riches et plus séduisantes. Il est scrupuleux, prudent et loyal. Il connaît bien son pays et son peuple. Il aime le travail, et il est plus expert dans beaucoup de questions que la plupart de ses ministres. La ténacité de son caractère ne l’empêche point de rechercher la discussion et de se laisser convaincre par de bonnes raisons. Il n’a pas cette vivacité d’esprit qui est une des plus attrayantes distinctions de la reine Amélie ; mais il a le jugement plus sûr. Sans doute le roi Othon aurait pu lutter avec plus d’énergie contre les mauvaises tendances de son peuple ; on doit pourtant avouer que ce n’est pas lui qui a fait les