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J’ai arrondi mon bras autour du souple corps de la belle, et mes doigts bienheureux sentent le fier mouvement de son sein.

Mais un murmure inquiétant se glisse à travers le feuillage des tilleuls, et un sombre moulin à eau grommelle méchamment de tristes présages.

Ah ! señora, voici ce que me dit ce pressentiment : Un jour je serai chassé par arrêt académique, et sur les boulevards de Salamanque nous n’irons plus nous promener ensemble.

LXXIII.

Auprès de moi demeure don Henriquez, qu’on nomme aussi le beau cavalier. Nos chambres sont voisines, une simple muraille nous sépare.

Les dames de Salamanque ont le feu dans le cœur quand il s’en va par les rues, faisant sonner ses éperons, retroussant sa moustache et conduisant sa meute de chiens.

Pourtant, aux heures silencieuses du soir, il est assis solitaire, sa guitare dans sa main et de doux rêves dans l’âme.

Il pince les cordes en tremblant et s’abandonne à sa fantaisie…. Ah ! les ronflemens de ses accords me donnent la nausée.

LXXIV.

À peine nous nous étions vus, et déjà à tes yeux, à ta voix, je comprenais que tu m’étais dévouée. Si ta mère ne s’était trouvée là, ta maudite mère, je crois que nous nous serions embrassés à l’instant.

Et demain, voilà que je quitte encore la ville et que je reprends ma course. Ma blonde jeune fille sera là, me guettant à la fenêtre, et moi je lui enverrai des saluts affectueux.

LXXV.

Le soleil monte déjà au-dessus des montagnes ; on entend résonner au loin les clochettes du troupeau de moutons. O ma bien-aimée, mon agneau, mon soleil, mon amour, que j’aimerais à te voir une fois encore !

Je lève les yeux, je regarde, dans une attente inquiète… — Adieu, mon enfant, je m’en vais de ce pays ! — Vain espoir ! je ne vois se soulever aucun rideau. Elle repose encore, elle dort… Elle rêve de moi probablement.

LXXVI.

À Halle, sur la place du marché, se dressent deux grands lions. Hélas ! fiers lions de Halle, comme on vous a muselés !