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LXII.

Toute la nuit nous sommes restés en voiture, seuls et dans l’ombre. Nous avons reposé sur le cœur l’un de l’autre ; nous avons ri et plaisanté.

Puis, quand l’aube matinale parut, enfant, quelle ne fut pas notre surprise ! Entre nous était assis Amour, le voyageur aveugle.

XLIII.

Dieu sait où la folle fille s’est logée. À travers la pluie battante, et la malédiction à la bouche, me voilà courant toute la ville.

Je suis allé pourtant d’hôtel en hôtel, et je me suis informé auprès de tous ces rustres de garçons.

Tout à coup je l’aperçois à une fenêtre ; elle me fait des signes en éclatant de rire. Pouvais-je deviner, ma belle, que tu habitais dans ce splendide palais ?

LXIV.

Comme des rêves ténébreux, les maisons s’étendent en longues files : Enfoncé dans mon manteau, je passe devant elles en silence.

La tour de la cathédrale sonne minuit ; c’est l’heure où ma bien-aimée m’attend avec ses charmes et ses baisers.

La lune est mon guide ; elle luit amicalement sur mon chemin. Me voici devant le seuil de ma maîtresse, et je m’écrie avec joie :

Je te remercie, ô lune, ma vieille amie, d’avoir si bien éclairé ma route. Maintenant je te donne congé ; luis maintenant pour le reste du monde.

Et si tu trouves un amoureux qui se plaint en silence des tourmens de son cœur, console-le comme tu m’as consolé moi-même aux tristes heures d’autrefois.

LXV.

Et aussitôt que tu seras ma femme, ton sort fera vraiment envie : rien que des passe-temps, rien que plaisirs et joies.

Gronde si tu veux, gronde et tempête, je le supporterai avec patience ; mais si tu ne loues pas mes vers, je te quitte.

LXVI.

Sur ton sein blanc comme neige j’ai incliné ma tête, et je puis surprendre secrètement ce qui fait battre ton cœur.

Les hussards bleus jouent de la trompette et font leur joyeuse entrée par la porte de la ville. Ma bien-aimée, la bien-aimée de mon âme veut m’abandonner demain.