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La jeune fille chérie est à la maison, bien à son aise, dans un grand fauteuil ; à moitié endormie, elle regarde d’un œil clignotant la lueur de la lampe, et les boucles d’or de sa chevelure flottent sur son doux et beau visage.

XXIX.

On croit que je m’afflige beaucoup et que je meurs d’amour ; moi-même, à la fin, je commence à le croire comme les autres.

Ô toi, chère petite aux grands yeux, je te l’ai toujours dit que je t’aime plus que je ne puis l’exprimer, que l’amour me consume le cœur.

Mais ce n’est que dans ma chambre solitaire que j’ai parlé de la sorte ; en ta présence, hélas ! je me suis toujours tu.

Il y avait là de mauvais anges qui me fermaient la bouche. C’est par la faute des beaux et mauvais anges, hélas ! que je suis si malheureux aujourd’hui.

XXX.

Tes blancs doigts de lis, je voudrais les baiser encore une fois et les presser sur mon cœur, et mourir en versant des larmes silencieuses.

Tes grands yeux de violette, je les vois briller devant moi jour et nuit ; c’est là ce qui fait mon tourment. Que signifient ces énigmes douces et bleues ?

XXXI.

Ils s’aimaient tous les deux, mais aucun ne voulut l’avouer à l’autre. Ils se regardaient comme feraient deux ennemis et ils étaient près de mourir d’amour.

Ils se séparèrent enfin et ne se virent plus qu’en songe de loin en loin ; ils étaient morts depuis longtemps, et c’est à peine s’ils le savaient eux-mêmes.

XXXII.

Mes amis, lorsque je me suis plaint à vous des souffrances que mon cœur endure, vous avez bâillé et vous ne m’avez rien dit ; mais quand avec mes douleurs j’ai fait des vers gracieusement tournés, vous m’avez prodigué de grands éloges.

XXXIII.

J’appelai le diable, et le diable vint ; à sa vue, je fus saisi d’étonnement. Il n’est pas laid, il ne boite pas : c’est un aimable et charmant homme, un homme à la fleur de l’âge, obligeant, poli, et qui