Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/368

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le soleil dégage encore une fois ses rayons du sein de l’ombre et me montre la place où jadis j’ai perdu ce que j’aimais le mieux.

XVII.

Je te salue, grande et mystérieuse cité qui enfermais naguère ma bien-aimée dans ton sein.

Parlez, tours et portes ; ma bien-aimée, où est-elle ? je vous l’ai confiée ; vous dévier me répondre d’elle.

Les tours ne sont pas coupables ; elles ne pouvaient pas bouger, quand ma bien-année, avec ses coffres et ses cartons, a subitement quitté la ville.

Ce sont les portes de la ville qui l’ont laissée partir sans dire mot ; elles restèrent béantes d’étonnement en voyant sortir la belle folle.

XVIII.

Je vais, de nouveau par mon chemin d’autrefois, par les rues que je connais si bien ; je viens de la maison de ma bien-aimée, si triste et si abandonnée aujourd’hui.

Ah ! que les rues sont étroites ! que le pavé est dur ! il semble que ces maisons vont m’écraser. Je me hâte et m’enfuis au plus vite.

XIX.

Je suis entré dans la salle où elle avait juré de m’être fidèle. À l’endroit où coulèrent jadis ses larmes, j’ai vu ramper des serpens.

XX.

La nuit est silencieuse, les rues sont calmes ; c’est dans cette maison que demeurait ma bien-aimée ; il y a longtemps qu’elle a quitté la ville, mais la maison est toujours à la même place.

C’est étrange ! il y a là un homme debout, les regards fixés au ciel, et qui se tord les mains dans les transports de sa douleur. Je frémis en le voyant… À la clarté de la lune, j’ai reconnu que c’était moi.

Ô toi, pâle et somnambule compagnon ! pourquoi imites-tu ainsi ces souffrances d’amour qui, à cette même place, m’ont torturé jadis pendant tant de nuits ?

XXI.

Comment peux-tu reposer tranquille, sachant que je vis encore ? Ma vieille colère me réveille, et je vais briser mon joug.

Connais-tu la vieille chanson ? Il y avait un jour un jeune mort ; il vint à minuit chercher sa bien-aimée et l’entraîna dans le tombeau