Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrive aux œuvres de la renaissance, qui rappelle le paganisme, où elle s’est parfois trop inspirée : art savant, habile, gracieux, mais sans conviction, à l’exception du génie si original, si triste et si puissante de Michel-Ange. On doit très particulièrement des remercîmens à l’administration pour avoir reproduit et exposé toutes les belles statues de ce grand artiste, entre autres celles de la chapelle des Médicis à Florence.

Ce qui complète cette exposition si curieuse et si instructive de l’archéologie et de l’art à travers tous les âges et toutes les civilisations, c’est une collection de plâtres moulés qui permet de passer en revue les chefs-d’œuvre de la statuaire à chaque époque et chez tous les peuples. Pour former une réunion aussi nombreuse, il a fallu mettre à contribution tous les musées publics et beaucoup de galeries particulières dans le monde entier. Il paraît que partout, sauf dans deux ou trois circonstances, les artistes envoyés par l’administration du palais de cristal ont été accueillis avec empressement, et qu’on leur a donné toute facilité pour exécuter les moules des statues. Si l’on songe combien de centaines d’épreuves ont été rapportées de tous les coins du monde pour former ce musée, on s’étonnera de la persévérance et de l’activité qu’on a dû déployer pour obtenir pareil résultat, et on se félicitera que par ce résultat ainsi atteint on ait créé et développé des lieux nouveaux entre l’Angleterre et toutes les nations qui ont l’une après l’autre apporté leur tribut à cet immense pandœmonium de l’art humain.

Lors de ma visite au palais de Sydenham, un grand nombre d’ouvriers travaillaient à terminer plusieurs des salles encore inachevées. J’entendais parler autour de moi plusieurs langues, et la physionomie de ces ouvriers aussi bien que leur langage appartenaient à différens pays. Je reconnus dans ce fait un service de plus qu’on doit à l’entreprise du palais de cristal  : elle a réuni pour une même œuvre les efforts et les travaux d’artistes et d’ouvriers qui ne se connaissaient sans doute pas jusqu’alors, et qui, dans ce travail commun, ont appris à s’apprécier mutuellement et à s’estimer. Pour moi, je verrai toujours avec joie et reconnaissance tout progrès vers l’établissement de cette grande confraternité qui embrassera un jour l’humanité entière sans distinction de peuples ni de races. Lorsqu’à l’heure des repas les portes du palais vomissent ces flots d’ouvriers de différens pays, français, anglais, allemands, italiens, hongrois, etc., rien n’est curieux comme d’entendre bourdonner aux oreilles tous ces dialectes différens comme une musique discordante. On croirait assister à la dispersion des nations lors de la chute de la tour de Babel ; mais les ouvriers de la tour de Babel furent frappés et dispersés par la colère de Dieu parce que, dans leur pensée impie, ils voulurent lutter contre sa puissance  : leur œuvre était