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exécutées par des sociétés ou associations particulières, et rien n’est plus naturel, car la force intellectuelle comme la puissance matérielle réside au suprême degré dans l’association, cette forme vivante de l’amour de l’homme pour son prochain. Les associations industrielles elles-mêmes, qui semblent d’abord n’avoir que l’intérêt pour but, ont toujours eu quelque résultat profitable à l’humanité.

Le palais de cristal de Sydenham, qu’on peut à juste titre appeler la huitième merveille du monde, dépasse en grandeur les sept autres autant que notre civilisation dépasse celles des Assyriens, des Égyptiens et des Grecs. Tandis que les pyramides, les jardins suspendus de Babylone, ces monumens de l’orgueil des rois, coûtèrent la vie à bien des milliers de pauvres gens, sans atteindre aucun but d’une utilité reconnue, — on se réjouit en songeant que la construction du palais de cristal de Sydenham, loin de compromettre la vie de personne, a fait vivre bien des ouvriers, que de plus elle enrichira très probablement ses actionnaires, et que, quoi qu’il arrive, ce monument sera pour toutes les classes de la société anglaise et pour les visiteurs étrangers une source d’instruction constante, un admirable enseignement vivant du passé et du présent, une source d’amélioration pour l’avenir. Que ceux qui soutiennent que le monde ne marche pas de progrès en progrès, que ceux qui voudraient faire rétrograder la société, sous prétexte que notre XIXe siècle ne vaut ni l’antiquité ni le moyen âge, qu’ils viennent tous visiter le palais de cristal, cet immense résumé de notre civilisation ; qu’ils réfléchissent à l’idée élevée, charitable, vraiment généreuse, qui a inspiré cette grande œuvre ; qu’ils voient avec quelle rapidité inconcevable, avec quelle puissance de moyens cette idée a été mise à exécution, — et s’ils sont consciencieux, ils rendront justice à la supériorité morale, scientifique et industrielle de notre âge.

Je me souviens que l’an dernier, par une chaude soirée du mois d’août, je me promenais sur une de ces collines du canton de Vaud d’où la vue embrasse tout le lac de Genève, les montagnes de la Savoie et une immense étendue de pays ; je causais de sujets religieux avec un des meilleurs et plus aimables pasteurs que je connaisse, et j’ajouterai un des plus instruits, qui m’a souvent rappelé par la finesse de son esprit et son goût pour la science les portraits qu’on nous fait de l’excellent Lavater. Nous parlions de l’amour de l’humanité qui va sans cesse se propageant dans les institutions et dans les mœurs, des élans d’affection qu’on se sent parfois dans le cœur pour tous les hommes, du grand besoin d’aimer et de faire du bien que développent en nous ces magnifiques scènes de la nature ; nous repassions dans nos souvenirs le nom des grands génies qui ont le plus contribué à l’affranchissement physique, moral et intellectuel des hommes, aux progrès de toutes les classes de la société, et