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gouvernemens ; ces difficultés elles-mêmes disparaissaient dans le travail de toutes les passions révolutionnaires, dans les agitations croissantes de l’Italie. Quand Rossi pressait le Piémont, en homme qui par une sorte de divination sentait le temps lui échapper, il n’avait plus devant lui que quelques jours d’existence ; cette noble vie allait être tranchée par le poignard des sectaires. Pie IX, assiégé au Quirinal, n’avait plus dès lors qu’à quitter furtivement Rome et à prendre la route de Gaëte. Du meurtre de Rossi et de la fuite du pape il n’y avait qu’un pas à la république romaine et à la dictature de M. Mazzini. En Toscane, la république faisait son apparition avec MM. Guerrazzi et Montanelli, d’abord sous l’apparence d’un ministère démocratique imposé par une émeute de Livourne, puis sous son vrai nom, tandis que le grand-duc s’enfuyait aussi à Gaëte. La révolution se frayait un chemin à l’aide d’un de ces mots mystérieux et vagues qui font la fortune des agitateurs dans la confusion des passions : ce mot, c’était celui de constituante. Pour la première fois, on l’a vu, il avait été écrit dans l’acte d’annexion de la Lombardie ; maintenant il courait partout et devenait le cri de ralliement de tous les révolutionnaires italiens, de Florence à Livourne, de Rome à Gênes. La constituante ! Ce n’est pas qu’on s’entendît sur ce mot ; M. Guerrazzi avait sa constituante ; l’idéal de M. Mazzini, c’était toujours la république unitaire faisant son ascension au Capitole et promulguant ses décrets au nom de Dieu et du peuple ; bien d’autres y attachaient un sens différent, sans compter ceux qui n’y comprenaient rien : n’importe, avec cette parole on battait en brèche ce qui restait de pouvoirs réguliers.

Le Piémont subissait naturellement le contre-coup de ces agitations de l’Italie centrale. Le ministère Revel-Pinelli résistait encore sans doute, mais il avait chaque jour à supporter de nouveaux assauts du parti démocratique, ameuté contre la médiation et la suspension des hostilités avec l’Autriche. À la nouvelle d’un succès parlementaire obtenu par le cabinet sur la question de la paix et de la guerre, une insurrection éclatait à Gênes. Les clubs de Turin délibéraient sur la constituante et marchaient d’intelligence avec les clubs de Florence et de Livourne. Ainsi se propageait partout une agitation périlleuse avec ces mots d’ordre : la constituante et la guerre ! Ces puérils perturbateurs ne voyaient pas qu’ils créaient à leur pays un double danger : si l’Italie faisait une guerre de race, elle donnait à l’Autriche l’appui de toute l’Allemagne irritée dans son orgueil ; si elle faisait une guerre révolutionnaire, elle jetait dans le camp de ses ennemis tous les hommes de l’Europe qui mettaient au-dessus de leurs sympathies pour l’Italie la sauvegarde de la société universelle ébranlée.

Il y avait à cette époque à Turin entre tous les partis un homme